12 déc

 

L’affaire Lepaon qui ébranle la CGT et qui interroge légitimement de nombreux militants au-delà de la CGT est un cas d’école pour comprendre ce qui se joue aussi dans nos quartiers quand on s’organise pour lutter contre des oppressions. Aucun d’entre nous n’est infaillible et c’est pour cela que dans nos luttes, le collectif doit toujours primer sur l’individu. Comme le dit la chanson, « Il n’est pas de sauveur suprême, ni César ni tribun ». C’est pour cela que Quartiers Libres reste un collectif de militants sans signature.

lepaon
Lepaon est aujourd’hui mis en cause sur son train de vie qui n’est pas en adéquation avec ce que l’on est en droit d’attendre d’un secrétaire confédéral de la CGT.
Il y a évidemment beaucoup de choses à dire et a débattre sur le train de vie des princes rouges du mouvement ouvrier ou, par exemple, sur celui des représentants de la dissidence ou encore de ceux autoproclamés ou désignés par les médias comme représentants des quartiers populaires. On pourrait écrire des lignes et des lignes sur les turpitudes de ces acteurs sans jamais que rien ne change si on se refuse à en comprendre la source et à s’organiser pour que ces situations ne se reproduisent pas.
Bien avant de devenir secrétaire confédéral de la CGT, le cas Thierry Lepaon était déjà un cas d’école pour qui veut comprendre le long et dangereux chemin de toutes les luttes.
Lepaon a été le principal responsable syndical de Moulinex, dont les usines, en France, ont toutes fermé en 2001. Son attitude a été à l’époque critiquée par de nombreux ouvriers du groupe, y compris par des syndiqués de la CGT. Il a personnellement appuyé les choix de la direction du groupe à maintes reprises. À travers lui, la CGT était souvent le syndicat maison du groupe. Ce n’était pas vrai dans tout le groupe Moulinex ou de nombreuses équipes syndicales CGT qui étaient combatives et dignes. Le représentant CGT Lepaon, lui, était l’homme du patronat. On sait aujourd’hui que la carrière syndicale du militant Lepaon a été favorisée dès le début par le patronat. Son embauche en janvier 1983 a été facilitée par le DRH de l’époque, Alfred Sirven. Pour lui permettre de devenir immédiatement représentant syndical, la DRH du groupe l’a fait bénéficier d’un surplus de trois mois d’ancienneté avec l’obtention d’une prime.

moulinex lutte
À l’époque, la direction de Moulinex affrontait durement les ouvriers du groupe majoritairement engagés à la CFDT. Pour casser ces résistances ouvrières, la direction a favorisé l’émergence d’une force syndicale concurrente sous son contrôle. C’est le rôle qu’a joué, volontairement ou pas, Lepaon.
Dès lors, Lepaon a acquis une belle situation, il côtoyait des gens puissants et est devenu l’interlocuteur raisonnable de la direction. Un peu comme dans nos quartiers quand un « grand frère » devient le référent pour des institutions qui nous méprisent et nous oppriment mais qui lui le mettent bien. Après la fermeture des usines Moulinex, Lepaon a joué les anciens combattants dans son organisation où personne ne pouvait imaginer qu’il n’avait jamais été de ce combat. Auréolé d’une histoire de résistance qui n’était pas la sienne, profitant de la dégénérescence du mouvement ouvrier lui, comme d’autres, a fait son petit bonhomme de chemin dans l’appareil confédéral.
Écrire cela ce n’est pas dire que la CGT et ses équipes militantes sont des équipes qui roulent pour le patronat. Cela serait aussi stupide que de penser que la CFDT est un syndicat combatif parce qu’à Moulinex dans les année 80-90 le syndicat CFDT l’était.
Décrire cette situation au travers du caractère singulier de la carrière de Lepaon c’est se donner les moyens de comprendre ce qui peut se jouer dans nos organisations de luttes, qu’elles soient politiques, syndicales ou associatives. Voilà ce qui peut arriver lorsque que l’on abandonne sa représentation à un ou une camarade sans le contrôler.
Solly Mapaila, secrétaire général adjoint du Parti communiste sud-africain (Sacp), un ancien combattant de Umkhonto we Sizwe, la branche armée de l’ANC, résume parfaitement ces défis auxquels doit faire face tout mouvement de lutte.

Solly Mapaila

« En 1990, lorsque nous sommes sortis de la clandestinité, il n’y avait pas de millionnaires au sein du Comité exécutif national (NEC) de l’ANC. Maintenant, il y en a beaucoup. Il y a un changement de caractère de notre révolution et de notre société. Ce qui pose des défis bien spécifiques. C’est une composante de la révolution, mais qui, en même temps, fait de la révolution sa propre victime. Nous avons créé la possibilité, même pour des Noirs, de devenir riches. Ils sont influencés par le capitalisme monopolistique mondial qui tente de les utiliser pour mettre la main sur notre révolution et sur notre État. En tant que Parti communiste, nous nous battons pour mettre en échec ces tentatives. Si vous étudiez les conférences de l’alliance, vous verrez qu’elles sont très disputées. Pourquoi ? Parce que certains, au sein de l’ANC ou du Cosatu, sont envoyés pour tenter de prendre des places de direction. Ils n’ont rien à perdre. S’ils échouent, les puissances d’argent prendront soin d’eux. S’ils réussissent, c’est parfait. Ils n’en ont rien à faire de détruire le mouvement avec un tel processus. Maintenant, il est clair qu’il y a une véritable tentative de déstabilisation de l’Afrique du Sud. Ces forces veulent contrôler l’ANC, le Sacp, le Cosatu et les mouvements démocratiques de masse. »

Ce qui s’est joué autour du destin de Lepaon à la CGT Moulinex est de cet ordre.
Plus proche de nous et de nos histoires de quartiers, pour contrer les mouvements issus de la « marche des Beurs », chacun sait comment le PS alors au pouvoir a mis en orbite dans la vie des quartiers populaires un mouvement comme SOS racisme qui a capté des énergies militantes et en a découragé beaucoup d’autres au profit d’une République qui n’a rien renié de ses fondamentaux racistes et colonialistes. Chacun sait aussi comment certains ont individuellement bien profité de cette situation. Plus près de nous encore, on est aujourd’hui confronté au travail d’infiltration et de destruction d’Égalité et Réconciliation qui veut nous faire croire que derrière chacun de nos malheurs se cache un juif.
Après plus de 10 ans de travail de sape, Soral reconnaît qu’il a été lancé et soutenu par le FN, mais il se garde bien de nous dire pourquoi. Pourquoi un mouvement raciste comme le Front National s’est-il mis à draguer le public des quartiers populaires au travers d’E&R ? Soral, qui est pourtant un grand bavard prêt a toujours nous expliquer comment fonctionne le monde, ne répond jamais à cette question. Pourquoi le Front National a-t-il financé E&R ? Le FN a financé E&R pour neutraliser les quartiers populaires qui sont par leur poids démographique et leur composition sociale et ethnique le seul rempart à la prise de pouvoir électoral du Front National.

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Face à ces défis qui voient nos organisations, nos combats être parfois corrompus, paralysés et détournés vers des chimères, il ne faut pas perdre espoir. Comme les camarades sud-africains nous y invitaient, il faut garder le cap en se confrontant chaque jour au débat fraternel et à l’action.

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«Pour revenir à l’alliance, elle est composée de trois entités différentes, mais qui partagent un but commun. Chacun connaît son rôle. Mais nous savons aussi que nous, Parti communiste, partageons avec le Cosatu la vision d’un avenir socialiste pour l’Afrique du Sud. Il y a donc, bien sûr, des contradictions. Mais rien ne nous empêche d’exprimer nos points de vue dans le cadre d’un débat démocratique qui préserve ce qui nous lie, pour la construction de ce que l’ANC appelle une société unie, démocratique, non raciale, non sexiste et prospère. Ce à quoi nous pouvons ajouter « société socialiste » ! »

Solly Mapaila, secrétaire général adjoint du Parti Communiste Sud-Africain

SOURCE / QUARTIERSLIBRES

Tag(s) : #actualités
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