Quand le secret d'affaires favorise l'industrie des pesticides

 

Hasard du calendrier, le Parlement Européen examine la même semaine une résolution visant à l'interdiction du glyphosate et se prononce sur une Directive sur les secrets d'affaires, ce même secret d'affaire invoqué pour refuser aux citoyens la transparence sur les études financées par l'industrie sur le glyphosate.
 
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Prenez deux agences, l'une européenne et l'autre mondiale, chargées d'évaluer la dangerosité d'un produit chimique. Donnez-leur à examiner le glyphosate, la substance active de l'herbicide le plus vendu au monde, le RoundUp de Monsanto. Rajoutez-y une bonne dose d'avis scientifiques d'experts en toxicologie et les nombreux lobbyistes financés par l'industrie agrochimique pour défendre ses intérêts. Après avoir attendu que la pâte lève, vous obtenez la situation à laquelle fait face le Parlement européen cette semaine.

 

 

En mai prochain, la Commission européenne doit décider de réautoriser ou non le glyphosate pour 15 ans en Europe. Or une véritable foire d'empoigne a lieu entre l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui a jugé le glyphosate comme cancérigène probable dans un avis récent, et l'Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), qui, elle, estime exactement l'inverse. À l'origine de cet imbroglio: les études prises comme base par les deux agences.

 

L'avis de l'OMS se base sur des recherches scientifiques publiques, passées en revue de manière relativement indépendante. Celui de l'EFSA repose sur des études dont certaines ont été réalisées par les équipes de Monsanto et d'autres entreprises de l'agrochimie. Les industriels invoquent le secret d'affaires pour ne pas publier ces travaux. Les résultats de ces études privées, censées prouver que le glyphosate n'est pas dangereux, ne peuvent pas être consultés librement par les décideurs politiques.

 

Le débat scientifique est donc totalement bloqué. C'est à l'EFSA qu'il revient maintenant de publier les études produites par Monsanto. C'est également aux 28 gouvernements de l'Union européenne d'agir. Alors qu'au mois d'avril le Comité européen chargé de se mettre d'accord n'a pas trouvé de majorité qualifiée, ils restaient divisés: trois pays (la France, les Pays-Bas, et l'Italie) se sont farouchement opposés au renouvellement et huit autres dont l'Allemagne se sont abstenus.

 

Il existe des alternatives au glyphosate © Verts/ALE Il existe des alternatives au glyphosate © Verts/ALE

 

Le Parlement européen votera mercredi une résolution déposée par le groupe des Verts européens visant à l'interdiction pure et simple du glyphosate. Les enjeux sont de taille car le développement des cultures d'OGM sur la planète est directement lié à l'utilisation massive de glyphosate. Une interdiction de ce poison par l'Union européenne remettrait en cause la stratégie des grandes firmes semencières de la planète, qui développent de véritables plantes-pesticides que je combats depuis 30 ans.

 

L'actualité étant facétieuse, le Parlement européen doit se prononcer le lendemain sur une Directive sur les secrets d'affaires, ce même secret d'affaire invoqué pour refuser aux citoyens la transparence sur les études financées par l'industrie sur le glyphosate. Si elle venait à être acceptée, cette nouvelle législation européenne signifierait qu'on lance la chasse aux lanceurs d'alerte en protégeant à la fois les fraudeurs et les données dites sensibles qui fragiliseraient leur business si elles étaient divulguées.

 

Le Parlement européen aura-t-il suffisamment d'inconscience pour voter pour le renforcement de la protection des secrets d'affaires en plein scandale des Panama Papers ? Les députés européens ont une belle opportunité pour mettre en cohérence leurs paroles et leurs actes. Espérons qu'ils ne la manqueront pas et qu'ils protègeront du même coup les lanceurs d'alerte.

 

Lanceurs d'alerte © Verts/ALE Lanceurs d'alerte © Verts/ALE

 

Le résultat de ces deux votes va au-delà des questions de fraude fiscale et d'agriculture. Des entreprises comme Monsanto attendent avec impatience de savoir si elles pourront continuer à se réfugier derrière le voile noir des secrets d'affaires ou si elles devront être contraintes de divulguer les études scientifiques secrètes qui démontrent que le business n'est pas aussi sain qu'elles le prétendent.

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SOURCE/ MEDIAPART

Tag(s) : #environnement
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