Le PDG de Capgemini augmente son salaire de 18%
Paul Hermelin, PDG du groupe Capgemini, autoproclamé « seul patron socialiste du CAC 40 », va demander à ses actionnaires de valider son augmentation de salaire de 18 % lors d’une AG ce mercredi 18 mai. Les salariés du groupe qui ont permis à Capgemini d’enregistrer 1,1 milliards de bénéfices, ont souhaité adresser une lettre ouverte à leur PDG qui sera lue dans l'Assemblée Générale par plusieurs salariés-actionnaires adhérents de la CGT. 
  •  

Lettre ouverte de la CGT Cagemini au PDG, Paul Hermelin, et aux actionnaires du groupe

Monsieur Hermelin,

Dans un communiqué de presse du 18 février dernier, envoyé également à tou-te-s les salarié-e-s, vous vous félicitiez des bons résultats du groupe, qui a enregistré des bénéfices nets de 1,1 Md€, soit le double de l'année précédente. Pour la première fois, une marge à deux chiffres (10,6 %) a été réalisée. Nous nous en félicitons également.

Dans le même temps le groupe a bénéficié d'un Crédit Impôt Recherche de 22,3 M€ et d'un Crédit Impôt Compétitivité Emploi de 30,5 M€.

Du côté de la Bourse de Paris, le titre Capgemini a enregistré la cinquième meilleure performance de l'année 2015 avec 44 % d’augmentation.

L'activité redémarre, surtout aux USA et en Inde où les effectifs sont passés en un an de 56 000 à 86 000 salarié-e-s.

La CGT tient à souligner que ces bons résultats sont dus au seul travail de l'ensemble des salarié-e-s du groupe.

De cela, bien entendu, il n'en est pas question dans ce communiqué de presse dont l'indécence des détails financiers ne peut que nous révolter. Nous pensons utile d'en dévoiler les raisons à l'assemblée des actionnaires ici présents.

Les dividendes seront augmentés de 0,15 € par action soit + 12,5 %. Comme un hasard n'est jamais totalement fortuit…  Nous remarquons que cette année l'enveloppe consacrée aux augmentations de salaires a subi une baisse de 12,5 %… Le principe des vases communicants en est peut-être la cause ?

La priorité de la rétribution de ces bons résultats n'est donc pas accordée à celles et ceux qui ont œuvré jours et nuits pour le groupe Capgemini.

Mais cela ne vous suffit pas. Vous annonciez dans ce même communiqué de presse, vouloir « neutraliser la dilution entraînée par les programmes d'actionnariat salarié et les instruments de motivation de ses employés ». Belle formulation pour dire que cette année les augmentations de salaires ne seront encore une fois pas au rendez-vous, mais que 150 M€ seront consacrés au rachat d'actions qui seront détruites afin d'en faire monter le cours… Voilà la vraie raison. 

Comparons cette somme sacrifiée sur l'autel de la finance aux 6 M€ qui seraient nécessaires, montant estimé par l'expert au comité central d’entreprise, afin de supprimer les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes dans le groupe.

Mais cela n'est pas dans votre stratégie, votre DRH nous l'a déclaré sans ambages lors d'un comité central d’entreprise : « Nous n'avons pas pour ambition de supprimer l'inégalité (femmes/hommes), nous voulons la réduire d'ici 6 ans [..] C'est la stratégie financière du groupe... »

Les augmentations de salaires cette année ne concerneront au mieux que 3 000 salarié-e-s sur les 20 000 œuvrant en France, et encore, ils  se partageront une maigre enveloppe de 0,8 M€.

Nous avons estimé cette gratification exceptionnelle à deux pizzas et un café par mois. Cette année selon la société du groupe, l'augmentation moyenne des salaires évolue entre 0,8 et 1,5 %. 

Pendant ce temps, il est proposé à cette assemblée de donner un avis sur l'évolution de votre éléments de rémunération, qui passerait de 4,090 M€ à 4,831 M€ soit plus de 18 % d'augmentation.

Avec une telle politique salariale comment voulez-vous que les salarié-e-s ne se sentent pas découragé-e-s, démotivé-e-s ?

Mais ce n'est pas tout, il est important de faire prendre conscience à cette assemblée des conséquences des décisions prises ici, comme celle par exemple de l'augmentation des marges. Ce type de décision se traduit concrètement pour les salarié-e-s par des licenciements abusifs, sans justifications plausibles sinon l’exigence d’économies sur les contrats, et notamment touchant les salarié-e-s les plus vulnérables, comme les parents isolés… Comment pouvez-vous accepter cette responsabilité ? 

Lors de votre communication adressée le 15 mars dernier à tous les salariés du groupe, au sujet de Serge Kampf et de ses valeurs, vous avez exprimé avec sincérité votre filiation au capitaine d’industrie, à l’homme et à ses principes auxquels vous le dîtes vous-même : il ne faut pas transiger. Aurait-il accepté qu’une salariée soit piégée pour être licenciée à quelques mois de sa retraite après 34 ans dans le groupe ? Aurait-il accepté qu’une mère isolée avec deux enfants en bas âge puisse être elle aussi piégée et licenciée pour faire des économies sur son projet ?

Tous les salarié-e-s du site Sogeti High Tech de Toulouse savent que ces licenciements ne sont pas justifiés et soutiennent leurs deux collègues. La Direction de Sogeti High Tech elle-même sait que ces licenciements sont abusifs, injustes et ne respectent pas les valeurs du groupe, mais elle ne veut pas se déjuger car d’autres identiques sont programmés.

Si, comme vous le dites, vous vous inscrivez dans la continuité d’une direction en phase avec les valeurs de ce groupe, intervenez auprès de la Direction de Sogeti High Tech au sujet de ces deux collègues. Venez à la rencontre de vos salarié-e-s sur le site de Toulouse et rencontrez leurs élu-e-s.

Vous communiquez largement autour de ces valeurs auprès des salarié-e-s, mais dans leur quotidien, la seule « valeur » mise en avant est la rentabilité.

Comment pouvez-vous justifier le fait que nous ne soyons plus « bankables », selon votre expression, et que de ce fait, depuis quelques années vous alliez chercher nos collègues de plus en plus loin, dans des pays à bas coûts salariaux au détriment de l'emploi en France, alors que vous bénéficiez d'un CICE confortable ? Cela participe également à la dégradation des conditions de travail dans les centres de services du monde entier, les tirant toujours plus vers le moins-disant.

Savez-vous, Monsieur, que pour certains de nos collègues salarié-e-s du groupe, il est proposé un  travail à l’autre bout de la France pour qu’ils aient une activité, au détriment du respect de leur vie personnelle, alors que vous, vous allez chercher la rentabilité à l’autre bout du monde ?

Jusqu’où irez-vous pour pouvoir dégager une marge à 2 chiffres ?

Et parlons un peu des  « Feez ». Cette mécanique purement comptable permettant de rendre artificiellement déficitaires les entités du groupe, en faisant payer à la holding des sommes astronomiques avant calcul des bénéfices… les déficits ainsi générés permettent de se passer de payer une participation aux salariés.

Pour exemple, chez Sogeti, qui touche plus de 8 M€ de CICE, plus de 2 M€ de CIR… une fois les 18 M€ de Feez payés à la holding, il reste un déficit de plus de 2 M€. Les salariés Sogeti n’ont plus de participation depuis 2009, et avec les déficits ainsi artificiellement créés, c'est à plus de 30 M€ de déficit cumulé. Pas de participation avant au moins 2040.

Enfin, que diriez-vous si chaque année nous demandions à tous les salariés de vous noter, système mis en place dans notre groupe pour  « récompenser les plus vaillants d’entre nous », système qui, pour la CGT est infantilisant, injuste et insultant ?

Pour terminer et pour nous résumer, les excellents résultats économiques dont vous vous êtes félicité donnaient toute latitude, tout le confort, pour récompenser les salarié-e-s du groupe qui en ont été et qui en sont  les principaux  acteurs, cela sans pour autant léser l'actionnariat. C'eut été en accord avec le slogan " People Matter ", c'eut été une décence élémentaire. A celle-ci, le choix fût préféré de  l'ensemble des  décisions que l'on sait, qui dans un  pareil contexte confinent à l'obscénité.

Nous demandons à l'assemblée ici présente de :

- émettre un avis négatif sur la proposition d'évolution de votre augmentation et de la borner à l'équivalent de celle des salariés, Monsieur Paul Hermelin ;

- l'arrêt définitif des deux procédures de licenciements abusifs sur le site de Sogeti High Tech de Toulouse, toujours en cours malgré nos protestations et celles des salarié-e-s que nous représentons ; 

- de mandater la direction du groupe Capgemini afin de rouvrir la négociation annuelle obligatoire et d'octroyer une augmentation de 1 000 € par salarié-e pour cette année de résultats exceptionnels, et de consacrer les 6 M€ nécessaires à la suppression de l'inégalité salariale entre les femmes et les hommes.

Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.

 

SOURCE/ MEDIAPART

Tag(s) : #actualités
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :