En général l'autofiction nous fatigue vraiment. Nous ne citerons pas de noms pour ne pas jeter un froid dans le microcosme germanopratin. Mais quand il s'agit du parolier du groupe toulousain Zebda, Magyd Cherfi, on sait faire une exception. Heureusement, car son nouveau livre, Ma part de Gaulois, chez Actes Sud, évite tous les poncifs de l'autofiction.

 

Il est possible de distinguer deux types de parolier, ceux qui demeurent paroliers, les professionnels de la profession, pour citer Godard, et ceux qui ont envie, besoin, d'explorer d'autres chemins d'écriture. Magyd Cherfi est dans ce cas, et cela lui réussit. Après Livret de famille en 2004 et La trempe en 2007, chez Actes Sud, il offre à ses lecteurs Ma part de Gaulois où il revient sur une année bien particulière, pour lui, pour nous, pour le pays...1981. Le pays en finissait avec des années de gaullisme, portant la gauche au pouvoir, même si certains déjà ne se faisaient pas vraiment d'illusion sur Mitterrand. Pour pour le petit beur des quartiers nord de Toulouse, c'était l'année du baccalauréat. Juste une étape évidente pour la plupart des Français, mais un évènement pour l'"indigène" ! Du genre Everest en plein hiver par la face nord.

 

Avec une grande sincérité, l'auteur de Tomber la chemise nous raconte sa vie, il nous brosse quelques portraits bien réussis, cette mère omniprésente qui lui met la pression pour décrocher le fameux diplôme, ses potes de la cité, Samir le militant ou Momo l'artiste, la vie au quotidien, pas vraiment facile. Surtout quand le Magyd a souvent un livre sous le bras et écrit déjà...de la poésie. Passer pour un intello, c'est un plus à Paris au quartier latin, mais un moins dans une cité de Toulouse ou Marseille.

 

"La plume m'a séparé de mes compagnons d'infortune, tous ces "Mohamed" de ma banlieue nord hachés menus par une société qui a rêvé d'un "vivre ensemble" sans en payer le prix."

 

Ma part de Gaulois, une histoire, une réussite, une fêlure où passe la lumière comme le chantait Leonard Cohen, celle de Magyd Cherfi, mais aussi un échec durable, celui de la République qui a créé et entretenu des ghettos, en faisant mine de les combattre, où certains sont français, mais doivent toujours le prouver pour un jour éventuellement le devenir. La double culture, celle des origines, de la famille, et au dehors, comme à l'école, la culture de la Nation, les difficultés de l'identité dans un pays tenté par le racisme et la xénophobie, coincé dans les impasses d'une la République plus en phase avec les réalités... Un livre vrai, sensible, chatoyant qui dégage beaucoup de chaleur et donne un peu de lumière dans un pays qui sent de plus en plus le moisi. On ne peut que remercier l'auteur, le lire et faire lire. La littérature française est dans sa plume, dans ses mots, dans ses phrases, pas à l'Académie française.

 

Dan29000

 

Ma part de Gaulois

Magyd Cherfi

Actes Sud

Domaine français

2016 / 272 p / 19,80 euros

Disponible en version numérique 14,99 euros

 

Le site de l'éditeur

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06.12.2016 - Actualité

 

 

Tag(s) : #lectures, #musiques
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