
A chaque automne, lors de la rentrée littéraire, nous choisissons quelques premiers romans singuliers. Nous commençons donc cette petite série avec Thomas Flahaut qui publie Ostwald, aux éditions de l'Olivier.
Comme tout corps vivant, une ville naît, se développe et parfois meurt. Surtout quand la ville vit autour d'une usine comme à Belfort. Le chômage s'installe, des familles explosent. Le père de Noël s'en va, s'installant à Ostwald, non loin de Strasbourg. Catastrophe. Mais parfois l'une peut en précéder une autre. A la catastrophe économique peut succéder une catastrophe naturelle. Tremblement de terre. Qui peut être suivie d'une autre, technologique, quand les hommes ont eu la bonne idée de construire une centrale nucléaire à cet endroit. Noël et son frère Félix sont alors évacués dans un camp improvisé, alors que les autorités tentent de rassurer la population. Nous sommes en France, là où le nuage radioactif de Tchernobyl s'était miraculeusement arrêté à notre frontière ! Le duo se retrouve dans une forêt où se déroulaient leurs promenades enfantines. Ils font alors le choix de la liberté et partent sur les routes. Longue errance dans une région alsacienne désertée. Parfois ils croisent encore un peu de vie, clochards hébétés ou troupeau de singes évadés d'un zoo...
Alors que cette nouvelle rentrée littéraire est marquée par un roman de près de mille trois cents pages, on ne peut que se réjouir de la brièveté de celui de Thomas Flahaut, l'art de la concision n'est pas admirable que dans les haïkus. L'auteur échappe avec brio au pathos habituel du genre « roman catastrophe », d'autant plus qu'il possède l'art discret de manier les non-dits et autres raccourcis. Dire moins pour évoquer mieux. Cela fonctionne, soutenant l'intérêt du lecteur et permettant à l'angoisse de se diffuser, un exploit pour un sujet si souvent traité au cinéma ou en littérature. En prime, Thomas Flahaut nous offre un récit de voyage dans cette région qu'il connaît bien, étant né à Montbéliard en 1991. Un voyage sous le signe du délitement des liens sociaux quand meurt une industrie, une ville, une région. Il faut partir et résister à la déliquescence ambiante. Mais l'avenir existe, il est entre les mains des deux frangins, éloge de la fuite comme l'écrivait Laborit, fuir pour mieux exister. Notre premier coup de cœur parmi ces nouveaux romanciers. Un nom à retenir, Thomas Flahaut, la belle révélation de cet automne littéraire.
Dan29000
Ostwald
Thomas Flahaut
Éditions de l'Olivier
2017 / 172 p / 17 euros
EXTRAIT :