Sylvia Schenk, de sportive accomplie à militante pour l’intégrité dans le sport
 
Sylvia Schenk, avocate spécialisée dans la conformité et le droit du sport, travaille activement pour Transparency International depuis maintenant plus de 10 ans.
Interview de celle qui a fait de la grande corruption dans le sport son cheval de bataille.
 
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

Ma carrière sportive a débuté alors que j’étais encore étudiante en droit. En 1971, j’ai établi un record du monde en relais 4 x 800 mètres en équipe nationale. En 1972, j’ai obtenu la neuvième place au 800 mètres des Jeux Olympiques de Munich. Ensuite, j’ai dirigé pendant 6 ans le Département Jeunesse de l’Eintracht Frankfurt, un club de football de Ligue 1. En 1994, j’ai été élue Présidente de la Commission pour les affaires juridiques, fiscales et l’assurance de la Fédération Allemande du Sport. De 1994 à 1997 j’ai été membre du conseil du Comité National Olympique Allemand. En 2000, j’ai été élue membre du Comité Exécutif de la Fédération Internationale de Cyclisme et, en parallèle, de 2001 à 2004 on m’a élue Présidente de l’Union de Cyclisme Allemande.

Je suis, depuis 2002, Présidente du Conseil d’Appel de la Ligue Handball Féminin Allemande et membre du Conseil de l’Académie Olympique Allemande et arbitre au Tribunal Arbitral du Sport depuis 2007.

Enfin, depuis 2016, je fais partie d’INTERPOL où je suis membre du Comité Permanent sur les questions d’Ethique.

Comment êtes-vous passée d’athlète accomplie à militante pour l’intégrité dans le sport avec Transparency International ?

Quand j’étais jeune coureuse, on m’a demandé un jour si ce n’était pas trop dur pour une jeune fille de courir un 800 mètres. C’est à partir de là que j’ai commencé à m’intéresser à la question de la femme dans le sport, et à travailler comme bénévole dans les divers organisations sportives citées avant.

En parallèle de mon parcours dans le sport, j’ai suivi des études de droit et j’ai exercé le métier de juge pendant 10 ans. J’ai également été Conseillère Municipale en charge des affaires juridiques, du sport, des femmes et de l’immobilier à Francfort. J’exerce maintenant comme avocate spécialisée dans la conformité et le droit du sport.

De plus, à l’époque où j’exerçais en tant que bénévole dans certaines organisations sportives, notamment au sein de la Fédération Internationale de Cyclisme, j’avais pu assister à certaines pratiques « peu démocratiques » comme je le disais à l’époque. Aujourd’hui, je qualifierais ces actes de corruption pure et simple, selon la définition de Tansparency International. C’est pourquoi j’ai décidé d’essayer de faire évoluer le sport vers davantage de transparence et d’éthique, puisque je n’ai pas réussi à faire changer les choses de l’intérieur au travers des fonctions que j’ai occupées dans le sport, pas même en tant que présidente.

C’est ce parcours très atypique mêlant le sport et le milieu juridique qui m’a permis par la suite de travailler en relations avec Transparency International sur diverses problématiques.

Comment travaillez-vous avec Transparency International pour la prévention de la corruption dans le sport ?

Je travaille bénévolement chez Transparency International depuis 2006, où j’ai commencé en tant que Conseillère Principale pour le Sport, ainsi que membre du Conseil du Secrétariat International de Transparency International. Avant cela, la problématique de la corruption dans le sport n’était pas un sujet réellement traité au sein de l’organisation, bien que ce problème se pose depuis bien longtemps.

Depuis 2014, je suis la Présidente du Groupe de Travail sur le Sport au sein du Secrétariat International de Transparency International. Nous avons trois sujets de travail principaux : les matchs truqués, la bonne gouvernance des organismes sportifs et la corruption dans les événements sportifs majeurs.

De quels succès êtes-vous particulièrement fière dans votre travail avec Transparency International ?

Tout d’abord, entre 2010 et 2011, nous avons mis en place le premier programme de prévention des matchs truqués en Allemagne, que nous avons ensuite étendu à d’autres pays.

Ensuite, aujourd’hui, nous travaillons en collaboration avec des organismes comme la FIFA ou le Comité International Olympique pour prévenir la corruption dans l’organisation de grands événements sportifs. Cette collaboration a notamment débouché sur la mise en place d’une clause inédite dans le contrat de la ville de Paris avec le CIO visant à lutter contre la corruption dans l’organisation des JO Paris 2024.

Nous sommes également actuellement en négociations avec l’UEFA sur les critères d’une clause anti-corruption.

Aujourd’hui, où se situent les principaux risques de corruption dans le sport ?

Les matchs truqués sont un grand problème en matière de corruption dans le milieu sportif, notamment dans le foot, le tennis et le cricket. Aujourd’hui, il faut faire plus : collaborer davantage à l’international avec la police, mettre en œuvre plus de programmes éducatifs…

Au niveau de la bonne gouvernance des organisations sportives, certaines fédérations, comme le CIO, l’UEFA ou encore la FIFA, ont déjà commencé à mettre en place des mesures de lutte contre la corruption, mais ce n’est pas encore suffisant. Beaucoup d’organisations ne font pas de la lutte contre les pratiques frauduleuse une priorité, surtout à l’échelle nationale. Il faut du temps pour arriver à changer cette culture dans le sport. Dans beaucoup de pays, il existe de fortes relations entre le sport, la politique et l’économie, ce qui crée beaucoup de conflits d’intérêts. C’est un grand défi !

Ensuite, il existe également des risques concernant les élections, le soutien financier, les transferts internationaux (surtout dans le foot), etc. En ce moment même, des enquêtes sont en cours pour des soupçons de corruption quant au choix de la ville d’accueil des Jeux Olympiques pour les Jeux de Rio 2016 et de Tokyo 2020.

Après les soupçons de corruption aux Jeux Olympiques de Sotchi et Rio, pensez-vous que les Jeux de Paris peuvent être un exemple à suivre pour les Jeux qui suivront ?

Les Jeux de Paris 2024 sont une chance énorme, notamment grâce à la mise en place de la clause anti-corruption, qui est une grande avancée. C’est l’opportunité de fixer des standards et de mettre en œuvre des mesures efficaces et permanentes. C’est un moyen d’informer et de sensibiliser les gens sur les enjeux de la lutte anti-corruption dans le sport, et particulièrement dans l’organisation des J.O.

Les dépenses pour le Comité de candidature Paris 2024 pour le voyage à Lima ont récemment été pointées du doigt dans la presse. Comment maîtriser les coûts de l’organisation des Jeux ?

La transparence est nécessaire, c’est certain. Le contribuable a le droit de savoir combien d’argent est dépensé dans l’organisation des Jeux, c’est aussi très important pour la crédibilité de l’événement, mais je ne suis pas en mesure de dire si on a trop dépensé pour le voyage à Lima dans le cadre du Comité de candidature.

Quels sont les comptes à rendre aux citoyens ?

Il faut être aussi transparent que possible auprès des citoyens, autant sur les coûts que sur l’organisation des événements sportifs.

En ce qui concerne les J.O., il ne faut pas seulement être transparent sur l’organisation du Comité de candidature mais aussi sur les coûts de ce comité, de l’organisation des Jeux, de la construction des infrastructures, etc.

 

SOURCE/ TRANSPARENCY-FRANCE.ORG

Tag(s) : #actualités
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