Le ministère du travail a publié des notes et des instructions remettant en cause l’indépendance des inspecteurs du travail. Ces notes ont été suivies de menaces contre des inspecteurs dans le cadre de leur travail de suivi du respect des règles de sécurité et d'hygiène pour les travailleurs au cours de la crise sanitaire. Des menaces de différentes natures qui sont allées jusqu’à la mise à pied de l’un d’eux pour avoir demandé des masques FFP2.
mercredi 22 avril
Depuis le confinement, le seul objectif du gouvernement Macron est de remettre, le plus vite possible, les salariés au travail. De nombreux morts au travail ont été recensés et la gestion politique actuelle ne va pas certainement pas faire diminuer ces chiffres, à l’heure où il y a déjà près de 20 800 morts du Covid-19 en France.
En parallèle le Covid-19 et le confinement ont permis, à travers le « projet de loi d’urgence sanitaire », le piétinement du droit du travail en « limitant les ruptures des contrats de travail, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle », en ouvrant la possibilité « aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires de déroger de droit aux règles d’ordre public relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical » et plus généralement, aux employeurs de « modifier les conditions d’acquisition de congés payés ».
Des travailleurs au front, sans armes et maintenant attaqués sur ce qui leur restent de recours légaux pour se défendre. C’est ce vers quoi le ministère du travail veut aller en remettant en question l’exercice des fonctions des inspecteurs du travail. Ne nous alertons pas, ce ne sont « pas des pressions, [mais] des rappels aux instructions » rassure Muriel Pénicaud. Pourtant les inspecteurs du travail reprochent à la Direction générale du travail (DGT) ses quatre notes et instructions restreignant selon eux leur marge d’action en tant qu’inspecteurs sous couvert d’urgence sanitaire.Tout d’abord la DGT acte que les sorties des inspecteurs doivent être limitées : « les interventions sur site doivent être limitées aux situations pour lesquelles un contrôle sur place est indispensable ». Les situations pour lesquelles les interventions sont prévues concernent les situations d’accidents du travail graves ou mortels, d’atteintes aux droits fondamentaux des travailleurs, ou encore celles où un droit d’alerte aurait été lancé par des salariés, comme le rappelle Libération.
Selon un syndicat, ceci a pour finalité, de « dissuader les inspecteurs de faire des démarches ». Une autre note précise le rôle des inspecteurs du travail : « le système d’inspection du travail doit contribuer à la diffusion […] des informations utiles pour faciliter la continuité de l’activité des entreprises ou leur permettre d’accéder aux dispositifs de soutien prévus par les pouvoirs publics ». Pour les syndicats, cette note détourne le rôle central des inspecteurs, à savoir s’assurer que les travailleurs soient en capacité de télétravailler en toute sécurité et non d’être simplement un support technique. « C’est inédit et gravissime, c’est le cœur de notre métier qui est remis en cause, les collègues sont ébahis et choqués. Alors que la situation exigerait des droits et des pouvoirs renforcés pour protéger les salarié·es, le ministère du Travail organise la paralysie et le court-circuitage de l’inspection du travail » s’insurge Pierre Mériaux de la FSU pour Bastamag.
A ces notes qui violent sans scrupule le droit de l’organisation internationale du travail (OIT) qui stipule l’indépendance des inspecteurs du travail « de toute influence extérieure indue », se sont ajoutées de nombreuses pressions exercées sur les inspecteurs. Pierre Mériaux affirme pour Libération que les syndicats ont reçus plus de 50 signalements suite à des coups de pression. Ces menaces ont pris différentes formes, Julien Boeldieu, de la CGT raconte : « des collègues ont été menacés de retrait de leur attestation de déplacement parce qu’ils avaient utilisé des courriers types que la CGT avait rédigés au début du confinement. D’autres ont reçu des courriers de leur hiérarchie après des plaintes des employeurs. Une collègue a été obligée de présenter des excuses à une entreprise et d’envoyer un courrier qu’elle n’avait pas rédigé elle-même ». Un ensemble de syndicats (CGT, SUD, CNT, FSU) d’inspecteurs ont alors décidé de déposer une plainte contre le gouvernement français auprès de l’Organisation internationale du travail.
Dans la même logique, qui montre que ces notes et coups de pression constituent une politique en propre contre le droit de protection des salariés, un inspecteur du travail a été mis à pied pour avoir demandé … des masque FFP2. Un communiqué commun a été publié suite à ce scandale : « Notre collègue et camarade a voulu continuer à exercer ses missions de contrôle du respect du droit du travail dans cette période où les salarié-es qui continuent de travailler sont encore davantage exposé-es qu’en temps normal. […] Il lui est également expressément reproché d’avoir demandé à l’employeur de cette structure de mettre des masques de protection et d’autres équipements de protection individuelle à disposition des aides à domicile alors même que des salarié-es de l’association ont été hospitalisé-es et plusieurs autres en arrêt pour suspicion de COVID 19. […] l’orientation du ministère du travail est la poursuite de l’activité économique à tout prix, et quel qu’en soit le coût pour les salariés. Muriel Pénicaud veut faire régner la terreur dans les rangs de l’inspection du travail, perçue comme un obstacle à cette orientation, afin de dissuader les agents de contrôle de faire usage des pouvoirs que leur confère le code du travail. L’objectif est notamment d’éviter que les procédures en référé, comme celles qui ont été couronnées de succès dans le département du Nord, ne se généralisent sur le territoire ».
L’inspection du travail était déjà contrainte par la politique pro patronale des gouvernements successifs, mais ces événements montrent un durcissement de la politique par la « main droite » du gouvernement. Si le gouvernement intensifie sa politique c’est qu’en période de crise multiple (sanitaire, économique et sociale), les contradictions de la gestion par l’État bourgeois sont exacerbées. Ceci est notamment visible par l’incapacité qu’à le gouvernement à gérer correctement la crise sanitaire, dans la sixième puissance économique mondiale. Même si cela se fait au risque de protestations sociales grandissantes, la bourgeoisie est contrainte, pour une sortie de crise en sa faveur, de chercher à discipliner les travailleurs. Une opposition à son projet qu’elle rencontre d’ailleurs du côté des inspecteurs du travail, mais aussi des travailleurs qui ont montré à plusieurs reprises, et pas seulement en France, qu’ils ne comptent pas se laisser faire.
L’enjeu immédiat pour notre classe est de rompre avec le drapeau d’unité nationale que tend le gouvernement comme bouclier. Comme l’ont fait les travailleurs en Italie et en Espagne récemment, par la lutte collective à l’instar de celle menée par les ouvriers de l’aéronautique et tant d’autres travailleurs et travailleuses, pour défendre nos vies contre les profits du patronat.
SOURCE / REVOLUTIONPERMANENTE.FR