Yann Gaudin, conseiller Pôle emploi à Rennes est convoqué par sa hiérarchie mardi à un entretien préalable qui pourrait aboutir à un licenciement. Sa faute ? Avoir aidé des chômeurs à toucher des allocations qu’ils auraient dû percevoir.
Yann Gaudin est salarié à Pôle emploi depuis 2006 et déclare à l’AFP qu’il a pu y constater « de vraies anomalies couvertes par une chaîne de décideurs, par exemple des salaires exclus automatiquement par le système de calcul des allocations chômage ». Lors d’une interview accordée à France 3 le 18 janvier 2020 , il accuse également la direction de « ne pas respecter le devoir d’information de Pôle Emploi, et de l’empêcher d’appliquer ce principe dans son travail. »
Depuis novembre 2019, il dénonce les « pratiques frauduleuses généralisées » de Pôle emploirevelations dans son blog « Pôle Emploi : le droit de savoir » sur Médiapart Il souligne également que dans les cas où les employés prennent conscience de ces pratiques, ceux-ci sont « placés sous une autorité hiérarchique, ce qui a l’inconvénient de la pression et des menaces de sanctions »
Il subit lui-même ce harcèlement par la direction et fait l’objet d’une mise à pied de cinq jours en mai 2019. Cette répression patronale l’aura également mené à plusieurs mois d’arrêt de travail par son médecin. Yann Gaudin est donc accusé par la direction de faire son travail, c’est-à-dire informer et accompagner les usagers dans leurs démarches.
Pôle emploi est né en 2008 sous le mandat de Nicolas Sarkozy de la fusion entre deux établissements :
• L’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE), créée en 1967 dont la mission était notamment d’accompagner les demandeurs d’emploi dans leur recherche de travail.
• L’Association pour l’Emploi Dans l’Industrie et le Commerce (ASSEDIC) dont la mission était de verser les allocations chômage.
Pôle Emploi est un établissement financé par l’argent public, cependant ses travailleurs et travailleuses relèvent juridiquement du droit privé (à l’exception d’une minorité relevant du droit public). Dans un ouvrage intitulé « Pôle emploi : la face cachée », trois journalistes de France Info publie une enquête lancée en septembre 2018 sur les conditions de travail au sein de l’établissement. Les témoignages des salariés dénoncent notamment les conséquences de la fusion de l’ANPE et de l’ASSEDIC : un accroissement de la surcharge de travail, une surveillance accrue des employés pour mesurer leur efficacité, et une pression de la hiérarchie sur ceux-ci pour des résultats.
Rappelons que cette enquête fait suite à une plainte déposée contre Pôle Emploi en 2014 par les parents d’Aurore Moësan, conseillère au sein de l’établissement qui se suicide en octobre 2012. La structure est donc accusé d‘ « harcèlement moral », « mise en danger délibérée de la personne d’autrui », « non-assistance à personne en danger », « homicide involontaire » et « conditions de travail contraires à la dignité de la personne ». La plainte évoque également plus de 17 suicides liées aux conditions de travail au sein de l’entreprise.
Les chômeurs sont régulièrement accusés par de nombreux médias et les classes dominantes d’être des fraudeurs aux aides sociales. Ces discours justifient les mesures mises en place par l’Etat pour une augmentation du pistage des demandeurs d’emploi et une réduction des aides allouées aux classes populaires. Dans cette logique, le gouvernement Macron mettait en place en janvier 2019 un décret qui renforçait les sanctions et les contrôles des chômeurs et prévoyait notamment une augmentation des personnels dédiés à ces missions d’ici 2020..
L’exemple de Yann Gaudin nous montre bien que l’Etat préfère faire des économies sur les allocations attribuées aux plus précaires tandis que Pôle Emploi, institution sous la tutelle du ministère du travail, ne se gêne pas pour réprimer les travailleurs qui le dénonce. Ainsi, la mission d’accompagnement des agents de Pôle emploi est détournée par des logiques de management d’efficacité, les conseillers sont poussés à toujours plus de contrôle et à une chasse aux chômeurs sous la pression hiérarchique.
Dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique, les demandeurs d’emploi vont être de plus en plus nombreux et les travailleurs et travailleuses de plus en plus précaires. Le cas de Yann Gaudin est symbolique. Lui qui essaye d’aider les chômeurs finira peut être sur le carreaux pour avoir fait simplement son travail. Il ne faut pas que les travailleurs, la jeunesse, les chômeurs ou les retraités ne paient la crise. C’est pourquoi il faut imposer l’interdiction des licenciements, l’augmentation des salaires, le partage du temps de travail.
SOURCE/ REVOLUTIONPERMANENTE.FR