Chypre prise dans l’étau, le peuple paye la note


28 mars 2013
 
 Chypre : pris dans l’étau


Sous le feu de la Troïka et des ministres des finances européens, Chypre a été bradée au nom de la finance. Mais à Nicosie la mèche est allumée. Chypre, petite île de la Méditerranée, colonie britannique jusqu’au 1960, divisée en deux depuis l’invasion turque en1974, ne dépasse pas 1 million d’habitants. Son secteur bancaire ne constitue qu’un pourcentage infime de celui de l’Union européen (0.2 %).

Par sa position géographique, Chypre présente aussi un intérêt stratégique pour tout ce qui se passe au Proche et au Moyen Orient. Ce n’est pas un hasard si, 53 ans après l’indépendance de Chypre, les bases militaires de «  sa majesté  » sont toujours là. Elles ont étés utilisées pour faire la guerre contre l’Irak ou la Libye. L’Otan est bel et bien présent à Chypre, ainsi que les Russes avec leurs investissements et leurs intérêts propres… L’enjeu est enfin de faire main basse sur les richesses naturelles de l’île  : du gaz naturel découvert dans la mer de Chypre. Une richesse que personne ne peut refuser  : ni la Troïka, ni la Russie, ni Israël, ni la Turquie…

Un nouveau gouvernement au service de la finance

Déjà en 2004, en laissant la partie chypriote turque hors de l’Union, l’Europe avait démontré que les peuples étaient le dernier de ses soucis. Et l’entrée dans l’Union européenne a été catastrophique pour une grande partie des Chypriotes  : destruction des petits éleveurs, agriculteurs, artisans, augmentation du chômage (à 20 %)…Aujourd’hui, dans cette période de crise financière, en s’appuyant sur l’arrivée au pouvoir depuis un mois du nouveau président de droite Nicos Anastassiades, la Troïka a osé ce qui n’a pas été encore imposée ailleurs.

Depuis dix jours, la situation est particulièrement dramatique pour la grande majorité des Chypriotes. Mais dès l’annonce du Mémorandum, le peuple chypriote a montré que d’autres solutions sont possibles. Par ses mobilisations, il a obligé le Parlement à voter contre les mesures dictatoriales de la Troïka. Pas un seul député, même ceux de droite, n’a osé voter pour les politiques d’austérité que voulaient imposer les classes dirigeantes européennes. Toutefois, mais cela n’a pas été suffisant. Avec arrogance et cynisme, la Troïka a poursuivi son chantage et ses pressions inadmissibles pour que son projet soit accepté.


Nous sommes tous des Chypriotes  !


Le gouvernement chypriote s’est bercé d’illusions en pensant trouver des solutions alternatives du côté de la Russie. Devant l’impasse des négociations à Moscou, le Parlement chypriote a voté le vendredi 22 mars une série de mesures antipopulaires dont une assez révélatrice renforçant les pouvoirs de la Banque centrale au détriment du pouvoir politique. À l’annonce des dernières mesures prise par l’Eurogroup le lundi 25 mars, mesures dont l’application ne nécessite plus le vote du Parlement, les mobilisations des travailleurs, surtout du secteur bancaire, se poursuivent à Chypre.

Les gouvernements européens essayent de nous convaincre que les mesures d’austérité constituent est la seule issue. Aucune solution juste ne peut être trouvée dans le cadre de l’Eurogroup et du diktat de la Troïka. La solidarité avec le peuple chypriote et tous les peuples en lutte doit se traduire par une généralisation des résistances européennes, seule chose qui rend possible émergence d’une alternative.


Correspondante


* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 188 (28/03/13).


 Chypre : le peuple paye la note


Le mouvement populaire a finalement eu raison de la pire des mesures du premier plan européen pour Chypre  : la taxation des petits dépôts bancaires. Néanmoins des lendemains très difficiles s’annoncent pour les Chypriotes.


Selon le plan adopté dans la nuit du dimanche 24 mars, les deux principales banques chypriotes vont être restructurées et la banque Laiki (deuxième du pays) va fermer. Les détenteurs de comptes supérieurs à 100 000 euros vont perdre au moins 40 % de leurs avoirs  : ce sont pour une large part des fraudeurs fiscaux, russes souvent. Mais des entreprises locales vont être touchées et la seule banque Laiki représente 8 000 emplois. Chypre va connaître une récession majeure.

Chypre s’inscrit dans la crise financière européenne globale, combinant crise de la dette et fragilité des banques tandis que la spéculation continue de faire rage. Les événements prennent la figure de crises nationales successives avec chacune leurs spécificités mais l’arrière-plan est le même. En Irlande, au Portugal, en Espagne, les peuples ont payé chèrement les crédits accordés. À la Grèce est imposée une austérité encore plus forte et devant la charge écrasante que représentait la dette, elle a été partiellement effacée, obligeant les créanciers à mettre un peu la main à la poche.


Le puits sans fond de la finance


Les banques chypriotes sont totalement disproportionnées par rapport au pays car elles se sont transformées en gigantesques lessiveuses à argent sale (notamment russe). Vu leur taille, l’État chypriote était bien en peine de les renflouer. L’Union européenne a trouvé la «  solution  » le 16 mars dernier  : un prêt de 10 milliards d’euros accompagné d’une taxe sur tous les dépôts bancaires. Jusqu’à présent, l’argument pour sauver les banques étaient la sauvegarde des économies des particuliers. Maintenant, on sauve les banques (sans rien demander à leurs actionnaires) et on prend dans les économies (y compris dans les petits comptes)  ! C’est ce plan que la pression populaire a fait écarter. Certes, Chypre est un paradis fiscal et un havre pour les capitaux sales mais c’était connu lors de son adhésion à l’Union européenne en 2004. Et il n’y a aucune raison de le faire payer aux petits déposants chypriotes.

Mais le peuple chypriote n’a pu aller au-delà de cette première victoire. Avec le nouveau plan du 24 mars, les spéculateurs vont perdre un peu et les travailleurs chypriotes beaucoup. Les plus gros déposants ont déjà sans doute transféré ailleurs ce qu’ils ont pu et Chypre ne représentait qu’une partie de leurs placements. Il y a bien d’autres paradis bancaires  ! Au lieu de consacrer des fonds européens à la reconversion de l’économie pour sauver les emplois, les 10 milliards de crédits vont se perdre dans le puits sans fond de la finance.


«  L’Europe veut fermer le casino  » titre Libération du lundi 25 mars. Quelle hypocrisie  : une petite succursale ferme mais le business continue. Si on veut en finir avec l’argent sale et la fraude, il faut confisquer les avoirs des spéculateurs, socialiser les banques et mettre fin à la liberté de spéculation des ­capitaux. «  Cela va prendre au moins dix ans pour retrouver notre niveau de vie  » a déclaré lundi l’ancien gouverneur de la banque centrale de Chypre. Il faudra bien d’autres mouvements populaires et des changements politiques majeurs pour imposer la fermeture totale du casino financier mondial.

 

 

Henri Wilno



* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 188 (28/03/13).

Mis en ligne le 1er avril 2013
SOURCE / ESSF
Tag(s) : #actualités
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