Guerre des nerfs autour du purin d’ortie
DUPONT Gaëlle
La « guerre de l’ortie » reprend. Les membres de l’Association pour la promotion des produits naturels peu préoccupants (Aspro-PNPP) ont relancé les hostilités,
mercredi 8 décembre, en épandant sur les plates-bandes de la mairie de Montreuil (Seine-Saint-Denis) des préparations en apparence anodines, mais hors la loi : le purin d’ortie et l’huile de
neem, utilisés par les jardiniers et agriculteurs bio pour soigner les plantes et tuer leurs parasites. Objectif de cette action de « désobéissance civique » : obtenir « une réglementation
spécifique pour ces produits afin de travailler dans la légalité », explique Guy Kastler, membre de la Confédération paysanne et de l’Aspro-PNPP.
Trois élus, dont la députée Europe Ecologie des Yvelines, Anny Poursinoff, ont accepté de devenir des « receleurs » des produits. Ces alternatives aux pesticides
chimiques (l’une obtenue à partir de décoction d’ortie, l’autre tirée des graines du neem, un arbre tropical commun) ne disposent pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Leur utilisation
est donc illégale.
L’affrontement autour des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) commence en janvier 2006, avec l’adoption de la loi d’orientation agricole, qui soumet
ces produits à la même procédure européenne d’autorisation que les pesticides chimiques. Une obligation « inadaptée », selon l’Aspro, car très coûteuse (40 000 euros pour déposer un dossier). En
outre, pour être homologuée, une substance doit remplir une série de critères (stabilité, homogénéité...) très difficiles à atteindre techniquement pour ces produits. Depuis, le sujet mobilise
régulièrement élus et ministres. La volonté de doter les produits naturels d’un régime simplifié a été affirmée dans divers textes de loi et des mesures ont été prises : raccourcissement des
délais, réduction du coût à 2 000 euros. Mais l’obligation d’inscription sur la liste européenne persiste.
Si les jardiniers amateurs bénéficient d’une tolérance, les agriculteurs prennent des risques, car ils sont tenus d’utiliser des préparations dotées d’une AMM. «
Pour l’instant, on se contente de nous donner des avertissements, mais nous risquons la perte de notre certification et l’interdiction de vendre nos récoltes », explique M. Kastler. Les vendeurs,
de leur côté, se retrouvent dans une situation inconfortable. « Nous avons le droit de commercialiser les produits, mais sans dire à quoi ils servent », raconte Didier Bougeard, gérant d’un
magasin de produits bio.
Pascale Briand, la directrice générale de l’alimentation, défend le point de vue du ministère de l’agriculture et veut « favoriser l’émergence de ces produits, mais
de façon sécurisée ». L’Etat finance des études afin d’aider à constituer le dossier d’homologation du purin d’ortie, qui devrait aboutir, selon Mme Briand. L’homologation de l’huile de neem,
toxique à certaines doses, est plus hypothétique. Selon l’Aspro, le produit est inoffensif s’il est utilisé correctement.
Gaëlle Dupont
* Article paru dans le Monde, édition du 10.12.10.