bons-baisers-montagne-copie-1Nous vous présentons cette année une série d'articles sur les premiers romans de la rentrée où  parfois se cachent les futurs grands écrivains des prochaines années. Lundi dernier nous vous parlions du roman de Natacha Boussaa "Il vous faudra nous tuer".

 Cette semaine, nous avons choisi :

Bons baisers de la montagne, de Noémie Lapparent.

 

 

 

A priori le titre n'est pas vraiment accrocheur. On se demande d'ailleurs qui choisit les titres des romans ? Est-ce l'auteur, l'éditeur, l'attaché de presse, le correcteur ou l'épicier en bas du domicile de l'auteur. Le pire de cette rentrée littéraire étant celui du nouveau Virginie Despentes, "Apocalypse bébé", le roman étant par ailleurs réussi. On vous en parlera bientôt.

Donc, il y a une montagne, c'est le titre qui nous le dit. La narratrice, un peu déprimée, décide enfin d'aller rendre visite à ses cousins germains qui possèdent un chalet. A la montagne ! 

Elle apprend lors d'une conversation que non loin de là séjourne une sorte d'ermite, Paul K, qui fut durant ses premières années un "enfant du placard". Suite à un drame familial, Paul s'est retrouvé seul dans sa maison, refusant de sortir à la disparition de ses parents.

Au fil du temps il a acquis une réputation de "sage" pour les habitants des environs...

Intriguée, la narratrice décide de rendre visite au solitaire. Lequel solitaire est particulièrement...beau.

Ce n'est que le début de ce roman réellement original, loufoque, dont le ton souvent humoristique ne peut qu'enchanter ceux qui aiment l'imprévu...

Bien entendu la narratrice veut "sauver" Paul de sa réclusion volontaire. Logique.

Mais peut-on réellement faire le bonheur des autres malgré eux ?

Une bonne question. En définitive, assez politique. Faut-il sauver les gens contre leur gré ?

Au fil des pages, notre héroïne combat avec vaillance pour arriver à ses fins. Mais Paul ne semble toujours pas disposé à sortir pour affronter le monde. D'ailleurs celui qui fut une victime dans sa jeunesse semble bien vivre en solitaire dans cette retraite montagnarde...

 

Si ce roman débute un peu dans la banalité, il prend assez vite de l'ampleur par de petites touches subtiles, et devient alors vraiment attachant dans ce double portrait de deux êtres que tout sépare.

Cela fonctionne tellement bien que l'on peut penser au grand auteur finlandais Arto Paasilinna (Le lièvre de Vatanen). Sans doute la montagne, le sens du décalage et l'humour discret...

Enfin ajoutons une 2 CV jaune poussin, une bouteille de genépi qui explose, le pont du diable, et un surprenant duo de gendarmes... 

 

Noémie de Lapparent est scénariste (Premières neiges, Premier voyage,  La Méthode Bourchnikov). Après des études littéraires, elle intégra la Fémis.

 

Vu le succès critique actuellement, il n'y a aucun doute à avoir sur la publication de son second roman, toujours le plus difficile. Espérons que les lecteurs seront nombreux dès ce premier rendez-vous, car c'est une belle promesse littéraire. 

 

 

Dan29000

 

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EXTRAIT /

 

C’est au dîner que la conversation, tout en restant bon enfant, prit un tour plus mondain et que Paul K. entra pour de bon dans mon existence.
   
Tout commença par cette blague d’initiés au sujet d’un « autochtone gymnosophiste » qui nous laissa, Victoire et moi, sur le banc de touche. Je ne me souviens pas de la teneur de la plaisanterie, juste de l’hilarité qu’elle provoqua parmi mes cousins, et du sentiment confus que ce nom, Paul K., m’était familier.

Un nom qui, comme tant d’autres, avait été effacé depuis longtemps de ma mémoire, faute d’espace ou d’intérêt partagé. Et pourtant, il avait suffi qu’il soit prononcé une seule fois, au détour d’un dialogue anodin, dans un endroit qui ne m’était même pas familier, pour qu’il se mette à palpiter devant moi, étrangement vivant malgré l’oubli et malgré la neige qui tombait dehors, étouffant les cris et les échos. Il palpitait, comme un petit oiseau qu’on aurait dit mort de froid sur le bord d’un chemin glacé, mais qui reviendrait à la vie par la simple grâce d’une pression de notre main. Et qu’alors on ne pourrait plus lâcher. La discussion était déjà repartie sur le mariage désastreux d’une cousine éloignée mais je coupai Virginie pour poser la question. Paul K., qui était-ce?

Était-il possible que je le connaisse? Mes cousins me rafraîchirent la mémoire. Huit ans auparavant, un fait divers atroce avait défrayé la chronique estivale. On avait retrouvé chez un couple d’éleveurs alpins au chômage un enfant enfermé dans un placard. À la vérité ce n’était plus un enfant, mais un jeune homme de vingt-quatre ans qui avait passé toutes ses primes années à attendre que la porte de sa prison s’ouvre, une fois par jour, sur une gamelle de soupe et un quignon de pain tendus par la main « maternelle ». Son martyre avait été découvert dans de tragiques circonstances. Un randonneur du dimanche passant aux abords de la ferme des K. avait été interpellé par ce qu’il avait d’abord pris pour une tête de mouton trônant sur le sommet d’une fourche au beau milieu du champ.

 

 

 

 

Bons baisers de la montagne

Noémie de Lapparent

Editions Julliard

2010 / 203 p / 18 euros 

Tag(s) : #lectures
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