«Nous sommes effrayés par l'avenir»
témoignages

Les jeunes Grecs sont descendus dans la rue ce mercredi pour protester contre le gouvernement et les mesures d'austérité. Rencontres.

Par QUENTIN GIRARD envoyé spécial à Athènes

Chris Nokkinos, 32 ans, a manifesté ce mercredi à Athènes.

Chris Nokkinos, 32 ans, a manifesté ce mercredi à Athènes. (Q.G.)


Une nouvelle journée de grève générale a touché la Grèce ce mercredi. Une grande manifestation a eu lieu dans la capitale d'Athènes. Elle s'est terminée en affrontements entre la police et les manifestants. Rencontre avec quelques jeunes qui sont descendus dans la rue pour protester contre le gouvernement et les mesures d'austérité.

«Le peuple est déjà en faillite»

 
Maria Georgoula, 26 ans.

«Je suis au chômage depuis avril, j'habite toujours chez mes parents. J'ai fait une première année de master de politique sociale à l'université d'Athènes, la plupart des gens de mon cursus ne trouvent pas d'emploi. Je suis venue aujourd'hui car le gouvernement va voter à Athènes des réformes qui ne sont pas acceptables. Il va obliger les jeunes à travailler toujours plus pour gagner moins d'argent. Je viens avec mon syndicat, le PAME, à chaque manifestations. On crie ensemble: «Sans les travailleurs, il ne peut pas y avoir de production». Le gouvernement dit toujours qu'il veut nous protéger contre la faillite des banques, mais le peuple lui est déjà en faillite. Nous ne le croyons plus, nous voulons que les politiques au pouvoir partent.»

«Ca va empirer dans les prochains mois»


Chris Nokkinos, 32 ans.

«Je suis plombier indépendant. Je gagne difficilement ma vie, c'est souvent très peu payé. Avec ma femme nous revenons à l'instant de la place Syntagma. Nous étions assis de manière pacifique mais des gens ont commencé à provoquer les policiers alors il y a eu des affrontements. C'est toujours comme ça. Quand sur la place se trouvent juste les personnes hors partis ou syndicats, il ne se passe rien. Mais quand ce sont eux qui appellent à la grève, les casseurs viennent et se battent. 

Je suis déjà venu sept ou huit fois pour manifester. Je pense malheureusement que cela ne changera rien. A mon avis, ça va empirer dans les prochains mois. Je ne crois pas vraiment dans les politiques et les partis. Nous ne savons pas où nous allons, nous sommes effrayés par l'avenir.»

«Le système capitaliste est pervers»

 
Elias Constantakopoulos, 28 ans

«Je suis là pour ce qui se passe en Grèce en général, pas seulement pour les lois votées aujourd'hui. Je suis membre du Parti Communiste. Je suis caviste, je travaille trente heures par semaine pour 600 euros par mois, or c'est ce que coûte un appartement à louer à Athènes, donc j'habite toujours chez mes parents. On ne sait pas ce qui va se passer. J'espère qu'on arrivera à renverser le gouvernement mais il a toujours des soutiens très importants.

Ici, les gens communiquent plus avec Internet, les réseaux sociaux, ils sont plus impliqués. Dans les autres villes de Grèce, c'est différent, c'est plus compliqué.

Je pense que c'est le système capitaliste qui est pervers et pour moi la solution est le communisme. Le problème c'est que nous ne gagnons pas aux élections et en règle général les gens commencent à perdre espoir dans les partis et les syndicats. Beaucoup veulent le changement maintenant mais ils ne savent pas quoi proposer pour l'après.»

«Il faut multiplier les grèves»

 
Rosa Gorgalakou, 27 ans

«Je suis professeur de musique en primaire. Je viens de finir le Conservatoire d'Athènes, j'attends mon affectation et je serai payée 700 euros pas mois à tempos plein. J'ai habité un an à Paris pour faire mon master à la Sorbonne. Je pense que les problèmes dans les deux pays sont les mêmes. A Paris, tu payes un loyer énorme comme ici. Les forces politiques qui soutiennent le capitalisme défendent des logiques similaires. Pour moi, nous vivons actuellement une crise de se système et il faut tout changer. Il faut que tous les jeunes s'unissent, se syndiquent. Il faut multiplier les grèves. Nous devons nous organiser sinon nous n'y arriveront pas.»

«Nous vivons des moments d'histoire»


Georgina, 25 ans

«Je suis étudiante en master d'anthropologie à Dublin depuis un an, mais je suis d'Athènes. Hier, j'étais déjà à la manifestation, je suis revenue aujourd'hui. Nous vivons des moments d'histoire. C'est très compliqué ici la manière dont cela se passe. Des gens manifestent un peu partout parce qu'ils appartiennent à des organisations ou des partis différents. Et puis il y a ceux qui se battent. Beaucoup d'entre nous sont certains que ce sont des policiers déguisés qui lancent les premiers objets pour provoquer les affrontements.

Le problème c'est qu'il faudrait que nos politiciens partent, nous vivons dans un système complètement clientéliste. Malheureusement, je n'ai pas de solution. J'ai l'impression que personne n'a vraiment de réponse car nous n'arrivons pas à comprendre tout ce qui se passe. La jeunesse grecque est en train de perdre tout espoir et du coup elle n'a plus de futur.

En Irlande, c'est différent. Ils ont été touchés par la crise aussi mais ils vont plutôt bien. J'aimerais bien revenir en Grèce à la fin de mes études pour travailler dans l'humanitaire auprès des immigrants mais je crois que je ne trouverai pas de travail. Je risque de devoir rester à l'étranger, comme beaucoup de gens qui partent ailleurs étudier et qui ne reviennent pas.»

Source : LIBERATION
Tag(s) : #actualités
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