natacha-boussaa-couverture-il-vous-faudra-nous-tuer-3D-petiVous ne connaissez sans doute pas encore Natacha Boussaa.

Normal, c'est son premier roman.

A moins que vous ne lisiez RUE 89, qu'ici nous aimons bien, où elle écrit en cette rentrée, une chronique au ton vif.

Vif, comme ce roman au titre un peu mystérieux qui intrigue jusqu'à la fin.

En ce mois de septembre sous le signe des mobilisations sociales, notre site a choisi, arbitrairement, de faire une place, petite, faut pas exagérer non plus, aux premiers romans. Enfin à ceux qui nous semblent avoir de prime abord un intérêt, pour nos lecteurs, qui sont un peu différents des lecteurs de "Valeurs actuelles"...

Mais d'ailleurs, qui lit "Valeurs actuelles" ? 

Le roman de Natacha Boussaa, qui par ailleurs est comédienne, se déroule durant les manifestations contre ce qui fut une belle arnaque inventée par nos gouvernants, le CPE. La jeunesse hexagonale était descendue in the streets. Cela avait duré, monté, évolué...et la rue avait gagné.

Si si. Un mouvement peut parfois gagner, suffit juste d'avoir du monde dans les rues assez longtemps.

Dès la première page du premier chapitre, l'on peut ressentir une tonalité, confirmée dans les pages suivantes. Dans notre société bloquée, il y a ceux, et celles, qui cherchent du boulot et survivent difficilement, et ceux, et celles, qui ont du boulot, et qui aimeraient bien faire autre chose, et qui survivent aussi !

 

"J'ai horreur de tous les métiers", c'est de Rimbaud. Belle référence !

 

D'ailleurs de beaux  "esprits" planent sur ce roman.  D'Artaud à Van Gogh et Debord, en passant par la mémoire de Malik Oussekine.

 

L'action avance vite. les personnages sont bien vivants, se dessinant au fil des nombreux dialogues. D'abord Lena, 27 ans, étudiante en Lettres, un peu en difficulté face aux multiples aléas d'une vie pas toujours facile à affronter. Un événement dramatique dans son immeuble va venir accentuer cette pression. Et puis il y a Zeno, le meilleur ami de Lena, et toute une petite bande autour, qui discute et manifeste.

Un roman en forme de tranche de vie, en forme de cri de révolte face à cette société capitaliste qui tente d'arnaquer par tous les moyens sa jeunesse, hier, le CPE, aujourd'hui le RSA jeunes...

Un bel arrêt sur images sur une lutte victorieuse, mais aussi une photographie, sans cliché, de la vie d'un groupe dans la France des années 2000 marquée par la précarité, les incertitudes, les frilosités d'une société qui doit toujours faire son deuil des idéologies d'hier qui sont bien mortes, mais qui n'a pas encore engendré le monde de demain qui pourtant s'esquisse parfois, notamment durant les mobilisations de la jeunesse, celle qui sait encore dire non et résister...

On peut donc parler de roman de résistance, d'invitation à la résistance, une invitation à ne pas baisser les bras, à lutter pour exister autrement, à retrouver une bonne dose d'utopie, à refuser tout ce qui, quotidiennement nous aliène. On peut aussi penser en lisant ce roman à Vaneigem, ce qui n'est pas peu dire. Sous la fiction de ce texte se cache une vie bien ancrée dans les réalités sociales, loin du nombrilisme ambiant de certaines romancières célèbres.

On ne va citer de noms...

Si un autre monde est possible, une autre vie l'est aussi. 

Ce qui est certain, c'est qu'un écrivain est bien présent dans ce roman, loin des tendances mortifères d'un certain milieu littéraire germanopratin, avec son autofiction maladive.

Espérons, que malgré les difficultés qui, généralement, plombent les premiers romans (distribution parcimonieuse, manque de place chez nos amis les  libraires, et frilosité des médias) celui-ci trouve ses lecteurs, car il le mérite. Car écrire un premier roman qui, subtilement dégage une belle senteur de liberté, dans cette France tendance "Vichy", c'est la preuve d'un choix littéraire et humain qui ne peut que toucher de nombreux lecteurs. 

 

Dan29000

 

Il vous faudra nous tuer

Natacha Boussaa

Editions Denoël

2010 / 176 p / 16 euros 

 

natacha-boussaa-il-vous-faudra-nous-tuer-portrait-thierry-1.jpg 

 Photo: Thierry Taglioli 2010

 

 

EXTRAIT /

Page 31

« Soudain, on me pousse et me tire en même temps. Mes yeux s’embuent. Ma gorge crache de l’air comme du sang. Brûlants, des doigts de gaz s’engouffrent dans ma bouche, creusent sous ma langue, étranglent ma glotte. J’entrouvre les lèvres pour vomir. Dehors, une pieuvre se joue de mon corps. Des bras invisibles me font sauter sur ses appendices en hoquetant. Je ne lutte plus. La pieuvre m’entraîne dans sa danse enragée. Je ne lutte plus. Un bruit strident lacère mes tympans. J’ai à peine le temps de me retourner. Les monstres de fer bleus garés devant le musée de Cluny s’élancent sur nous, dans notre dos. Tout le monde se met à courir, droit devant. Je sens des tentacules sur mes épaules, sifflantes comme la rafle qui s’étend. Derrière nous, des mains de géants articulées matraquent tous ceux qui ne détalent pas assez vite. Comme des poissons affolés, certains réussissent à se dégager de l’étreinte maligne et à reprendre leur sprint. En haut du boulevard, sur la place du Luxembourg, d’autres éléphants de fer aux couleurs de la gendarmerie nationale se rassemblent pour nous prendre en tenaille. »

 

Et pour lire Natacha Boussaa sur RUE 89, c'est ICI et LA

 

Et enfin, vous pouvez consulter son site : ICI 

Tag(s) : #lectures
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