victims

Il y a 40 ans eut lieu le massacre du Bloody Sunday. 14 personnes, manifestant pour les droits civils et contre l'internement, furent tuées par les parachutistes de l'armée britannique, dans la ville de Derry, le 30 janvier 1972. Si le gouvernement britannique a présenté des excuses, il n'a engagé aucune poursuite contre les responsables, c'est-à-dire contre lui-même. Certains s'en sont satisfaits et ont décidé d'arrêter les commémorations, mais d'autres continuent leur juste combat. Suzanne Breen dans cet article paru dimanche dernier, leur donne la parole.

Des proches des victimes du Bloody Sunday veulent que les Parachutistes britanniques qui ont tué les leurs soient traqués et jugés comme les criminels de guerre nazis. Ils sont furieux de constater que 19 mois après la publication du rapport Saville, aucun des soldats responsables n'a été accusé de quoi que ce soit. Le dimanche qui vient marquera le 40è anniversaire de cette atrocité dont l'onde de choc a parcouru le monde entier. Aujourd'hui, le Sunday World peut affirmer que certains proches des victimes pensent que les 200 millions de £ qu'ont coûté l'enquête Saville ont été dépensés en pure perte.

Kate Nash, dont le frère Willie a été tué, a dit : « Tout ce qu'a apporté Saville, c'est plus d'argent sur les comptes des avocats des deux côtés. Pour nous, cela n'a pas été un triomphe. Saville a établi que les paras étaient coupables du meurtre de 14 civils innocents, mais pour autant personne n'a été poursuivi. Nous voulons voir les responsables sur le banc des accusés, et dimanche prochain nous marcherons pour exiger la justice pour nos proches. »

Le projet d'une manifestation vers le Free Derry Corner a profondément divisé les familles des victimes du Bloody Sunday. Certains, à l'image des sœurs Nash, soutiennent ce projet, mais d'autres sont d'avis que l'époque des manifestations commémorant les morts appartient à un passé révolu.

Willie Nash, 19 ans, petit frère du boxeur olympique Charlie Nash, fut tué par balles alors qu'il tentait de porter secours à une autre victime. Kate fait le commentaire suivant : « Non contents de tuer mon petit frère, les soldats l'ont mutilé et l'ont volé. A son doigt, ils ont pris une bague, à son cou, une croix et une chaîne. Ils lui ont aussi fait les poches et pris de l'argent. Les soldats lui ont tiré dans la poitrine et les reins. Puis ils l'ont attrapé par les cheveux et l'ont tiré le long du chemin. Lorsque Willie nous fut rendu, ses cheveux étaient tout droits. Son corps était couvert de bleus. Sa bouche était entr'ouverte et ses dents couvertes de sang. »

Kate accuse les paras de « crime de guerre ». Elle explique : « Les criminels de guerre nazis continuent d'être pourchassés, peu importe qu'ils soient âgés ou malades. On les mène au tribunal sur des civières. Mais ici, il y a une hypocrisie profonde. Pourtant, nos proches méritent la même justice que les autres. Quatorze personnes innocentes ont été tuées par balles de sang froid. Les mots d'excuse de David Cameron ne signifient rien s'ils ne sont pas suivis de poursuites.

Kate raconte au Sunday world que, quelques heures après le massacre, des soldats et des policiers provoquèrent son frère Charlie : « En chemin vers la morgue, nous fûmes arrêtés à un checkpoint militaire. Ils connaissaient Charlie à cause de la boxe, et se mirent à faire des blagues au sujet de son frère mort. Même s'il boxait, Charlie était un garçon aimable, gentil, qui ne cherchait jamais la bagarre. Mais les entendre insulter son frère, qui venait de se faire tuer, c'en était trop. Nous fûmes obligés de l'attraper à plusieurs pour l'empêcher de tout casser. Kate décrit cette scène horrible à la morgue. Les cadavres gisaient là-dessous, anonymes sous leurs linceuls, Charlie devait soulever drap après drap pour qu'enfin on trouve Willie. Ce fut une expérience terrible pour lui. » A la morgue, un policier provoqua le boxeur endeuillé, lui disant que sa famille en comptait maintenant un de moins. « Le curé dut ceinturer Charlie qui explosait » se souvient sa soeur.

Kate révèle à quel point le Bloody Sunday a naufragé sa famille. Son père, Alex, qui participait lui aussi à la manifestation, vit son fils se faire tirer dessus. Il se rua pour porter secours à Willie, fut blessé par balles mais s'en sortit. Kate se souvient de cette scène : « Quelqu'un dit un jour à ma mère : 'Au moins tu as encore ton mari', ce à quoi elle répondit : 'J'aurai préféré garder mon fils' ». « C'était une réaction naturelle de mère » poursuit-elle. « Elle accusait papa d'avoir survécu et lui-même s'en accusait aussi. Il disait : « Pourquoi cela n'est-il pas tombé sur moi? Ma vie n'a plus de sens depuis que j'ai 51 ans. ». Alex Nash a subi de lourdes angoisses post-traumatiques, jusqu'à sa mort. « Il était terrifié à la vue des soldats. S'il y avait un hélicoptère au-dessus de sa tête, il pensait que des parachutistes allaient en sortir. Même dans sa chambre, il avait peur. J'ai passé tout mon temps à m'occuper de lui jusqu'à la fin, et pour cette raison, je n'ai pas eu de vie » nous confie-t-elle.

Plus tard, les paras du Bloody Sunday furent décorés des mains de la reine, et leur commandant le colonel Derek Wilford fut anobli en recevant l'OBE - Ordre de l'Empire Britannique [ordre de chevalerie impérialiste fondé en 1917, sorte de légion d'honneur un cran au-dessus]

Linda Nash, soeur de Kate, nous explique : « Après Saville, toutes les décorations et honneurs auraient dû être immédiatement retirées à ces hommes. Cela n'a pas été le cas, ce qui est une immense insulte faite aux morts et nous ne resterons pas les bras croisés tant que les choses restent ce qu'elles sont. »

La manifestation du week end prochain sera menée par les femmes du groupe des parents et amis des victimes du Bloody Sunday, portant des plaques commémoratives. Elles seront suivies par les porteurs de drapeaux noirs. Aucun politicien ne sera autorisé à parler lors du rassemblement. Les seuls orateurs seront ceux qui ont perdu leurs proches. Le rassemblement se finira en chantant l'hymne du mouvement des droits civils, We Shall Overcome.

Mais beaucoup de proches des victimes du Bloody Sunday sont contre cette manifestation, y compris John Kelly, dont le frère Michael avait été tué à l'âge de 17 ans. Il dit : « La grande majorité des familles pense que les marches annuelles ont désormais atteint leur but. » Il poursuit : « Notre campagne a atteint son but, nous avons mis en lumière les mensonges et l'injustice commise par l'Armée britannique et le gouvernement. Nous allons commémorer Bloody Sunday, mais lors d'une cérémonie qui se tiendra le week end prochain près du monument aux morts. ».

Liam Wray, dont le frère Jim s'était fait tuer à l'âge de 22 ans, prendra la parole lors de la manifestation. Il a expliqué que le mot d'excuse de David Cameron ne représentait que 5% de ce qui aurait dû être fait. « Moi, je veux que le soldat qui a tué mon frère soit traduit en justice, afin que l'humanité de Jim soit reconnue. Cependant, si ce soldat reconnaissait sa faute au tribunal, je ne verrais pas de raison de l'emprisonner. On a trop insisté sur les soldats. Le manque de justice concerne plutôt les politiciens qui ont envoyé les soldats,  ceux qui les ont défendus, les scientifiques accrédités et autres fonctionnaires qui ont élaboré leur version des faits, tous ces gens ont pu échapper aux accusations ».

M. Wray explique que la marche annuelle est  une « torche lumineuse » pour tous ceux qui sont opprimés par les armées dans le monde, en Afghanistan, en Palestine et en Irak. » Il ajoute : « Tant qu'il y aura un souffle de vie en moi, je manifesterai ». Mickey Bridge, qui  faisait partie du service d'ordre de la manifestation, est l'un des 14 blessés du Bloody Sunday. Lui aussi participera à la manifestation. « Bloody Sunday était un meurtre sponsorisé par l'Etat, tout le reste n'est que balivernes » dit-il. Il ajoute : « Les autorités judiciaires ont le rapport Saville en main. Je ne comprends pas ce qu'ils attendent. Les preuves sont là, dans le rapport. Nulle part on ne doit attendre 19 mois avant que les poursuites ne commencent, sauf lorsqu'il s'agit de soldats britanniques. D'autres personnes auraient été mises en examen immédiatement ».

Damien 'Bubbles' Donaghey, âgé de 15 ans, fut la première personne visée par les tirs du Bloody Sunday. Il a passé sept mois à l'hôpital pour s'en remettre. Une blessure à la jambe le fait encore terriblement souffrir et il doit passer sur le billard plus tard dans l'année. « Au moment de l'enquête Saville », nous dit-il, « le soldat « A » qui m'a tiré dessus n'a même pas eu le courage de me regarder dans les yeux. Il n'a pas été mis en examen, mais ce n'est pas le pire. Le soldat « F » qui a tué quatre personnes et blessé quatre autres n'a pas été mis en examen non plus. » Ce qui le fâche le plus, c'est que les hauts-gradés aient pu échapper aux accusations de l'enquête Saville. « Tout a été centré sur un seul officier, le colonel Wilford, et sur neuf hommes de troupes. Ils n'étaient que l'ivraie, à trier du bon grain. Mais l'establishment politique et militaire, ceux qui ont pris les décisions, sont encore plus coupables, et ils n'ont pas été inquiétés. Il est important de s'en souvenir».

Source : http://www.nuzhound.com/articles/breen/arts2012/jan22_Bloody_Sunday_families_want_Paras_hunted_down___SBreen_Sunday-World.php

 

Source : Liberation Irlande


 

 

Ajoutée par le  4 oct. 2008

On the 30th of January 1972 in Derry, Ireland 26 civil rights demonstrators and bystanders were shot by the British Army Parachute Regiment without warning or provocation. 13 died on the spot and another was mortally wounded. All were unarmed and most were teenagers. No one has ever been brought to justice.

Reeling in the years, RTE, Ireland