femmes.jpgS'il est un documentaire atypique, c'est bien celui-ci. Un documentaire non formaté, comme on en voit assez peu. Un documentaire qui nous familiarise avec une femme hors du commun, et aussi avec un métier hors du commun, le métier si peu connu de traducteur. Les littératures ne seraient rien au niveau mondial si les traducteurs n'existaient pas.

Combien de personnes parlent le russe, par exemple, en France ou en Allemagne ? Le métier non seulement est peu connu, mal payé par les éditeurs, mais en plus difficile. Traduire un mode d'emploi pour un aspirateur, il suffit de connaître la langue et d'aligner les mots. Traduire, comme ici, du russe vers l'allemand toute l'oeuvre de Dostoïevski est un autre challenge, il s'agit alors de faire passer une âme dans des mots.

Pas facile, et d'abord il faut avoir soi-même une âme.

Ce qui est le cas de Svetlana Geier. Sa belle âme se lit dans ses yeux, francs, vifs, profonds, des yeux jeunes pour cette femme de 85 ans. La passion conserve dit-on, elle en est un bel exemple.

Le film de Vadim Jendreyko, sorti cette semaine en France, est donc un portrait, un portrait en double, portrait d'une traductrice. On la suit dans son travail, discutant avec un ami sur un mot, sur une interprétation du grand auteur russe. Un labeur quotidien, méticuleux et sans nul doute passionnant.

Et aussi portrait d'une femme, une femme qui cuisine, pour elle, pour son fils qui au début du film est hospitalisé, pour sa famille qui vient la visiter. On la suit aussi à Kiev où elle vécut, avant de s'installer il y a déjà bien longtemps en Allemagne où elle est devenue une référence.

Nazisme et stalinisme, les deux grands fléaux du XXe siècle planent sur ce documentaire, comme sur la vie de Svetlana.

A la fin du documentaire, on comprend mieux les nombreux prix reçus et les critiques françaises unanimes de Studio à Positif.

Un beau documentaire pour une belle personne, pourrait-on résumer en une phrase.

Alors si vous avez la chance d'avoir une salle de  cinéma qui propose ce film, n'hésitez pas, vous allez en resortir revigoré, car la jeunesse de cette femme dynamise les spectateurs. Et puis ensuite, vous allez longuement penser à elle, et à elle dans le film.

Car il y a quelque chose de zen chez cette brillante enseignante qui traversa les grands drames du siècle dernier. Elle est toujours très présente à ce qu'elle accomplit, pour traduire une phrase du grand auteur russe, ou pour couper un oignon, et en plus elle explique ce qu'est réellement cet oignon. Harmonie et profondeur, ici et maintenant, toute la philosophie zen.

Et un plan sublime de ses vieilles mains lissant un tissu blanc. Un grand moment de cinéma.

Il y a des gens que l'on aimerait rencontrer, cette femme par exemple...

 

Dan29000

 

 

Lundi 18 octobre à 20h, projection débat au Reflet Médicis en présence de Tatiana Bottineau, directrice du département Russie de l'INALCO. Thème du débat :"Littérature et art de la traduction". Venez nombreux ! 

 

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LA BANDE ANNONCE : 1'52 

 


La femme aux 5 éléphants - Bande Annonce
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Vadim Jendreyko – Réalisateur


Vadim Jendreyko est né en Allemagne en 1965 et a grandi en Suisse. Il a étudié à la 
Kunstgewerbeschule à Bâle et à la Kunstakademie à Düsseldorf. Il réalise son premier film en 1986.
En 2002, il fonde, avec Hercli Bundi, Mira Film GmbH, société dans laquelle il travaille en tant que
producteur et coproducteur.



Filmographie sélective

2002 « Bashkim », film documentaire pour le cinéma, 85 min., Production Carac Film AG (Prix du 
Cinéma Suisse 2002, Meilleur documentaire)

2003 « Transit– Zürich Flughafen », film documentaire SF DRS, 54 min., Production Mira Film 
GmbH (Best of Dok SF DRS 2003)

2004 « Leistung am Limit », film documentaire SF DRS, 53 Min., Production Mira Film GmbH, 
Réalisateur et producteur

2009 « La femme aux 5 éléphants », film documentaire pour le cinéma, 93 min., Production Mira 
Film GmbH et Filmtank avec ZDF/3sat, SF


Notes du réalisateur

« Depuis plus de 60 ans, Svetlana Geier se penche sur les possibilités et les frontières de la 
traduction littéraire. Sa passion se porte particulièrement sur les disparitions, les zones limites dans
lesquelles il n.y a pour les mots d.une langue aucune correspondance dans l.autre langue. Selon elle, c.est dans ces zones que l.on trouve les « moments érotiques de la traduction » ; c.est là qu.elle entre en terre inconnue, sur laquelle elle peut suivre de nouveaux chemins linguistiques en partant de sa 
profonde compréhension des cultures russe et allemande. Cet élan créateur, cet enthousiasme pour
la recherche de nouvelles formes façonnent sa personne comme son travail et m.ont électrisé dès ma première rencontre avec elle. 

J.ai commencé à m.intéresser de plus en plus au travail de Svetlana Geier comme traductrice des 
grands romans de Dostoïevski, à sa façon d.intérioriser et d.assimiler les textes, de manier le sens de la langue. Et à travers elle je faisais face de façon vivante aux questions de Dostoïevski sur la liberté et sur la relation entre la fin et les moyens. 

« Qui suis-je ? » Cette question est le moteur intérieur de tous les personnages centraux dans l.oeuvre de Dostoïevski. Dans leur quête de réponse, les héros se heurtent à leur gouffre intérieur ou alors deviennent des assassins, puisque derrière le désastre se cache toujours la connaissance de soi, ou du moins un pas dans cette direction. 
Svetlana Geier a été confrontée dans sa vie au stalinisme et au nazisme ; elle a laissé derrière elle sa patrie, l.Ukraine, pour finir par se retrouver elle-même, dans une tout autre partie de l.Europe. Durant le développement de ce projet, j.étais conscient que j.abordais une fois de plus le destin de réfugié et de migrant, avec une personne qui a dû trouver son propre chemin entre les obstacles de son époque. Un thème que je ne recherche pas explicitement dans mon travail, mais qui m.accompagne toujours et derrière lequel se cache aussi la question de ma propre identité : « Qui suis-je ? » 
Et ainsi, cette question qui anime les personnages de Dostoïevski est aussi l.élément déterminant qui m.a fait découvrir cette femme, sa vie et son activité. » 

Vadim Jendreyko 


Prix

Quartz 2010 du meilleur film documentaire Suisse. 

Grand Prix du Jury : Sterling World Feature Competition à Silver Docs (Washington – juin 2010)

Nommé au German film Award dans la catégorie Meilleur film de l.année 2010.

Prix du Jury International au festival « Vision du Réel » à Nyon

Prix SRG SSR idée Suisse

Prix Suissimage/Société Suisse des auteurs SSA

Prix DEFA Sponsoring Prize au film DOK de Leipzig

Nomination au EUROPEAN FILM ACADEMY dans la catégorie Documentaire.

 

 

 

 

 

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