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Mario Monicelli - La dernière leçon

« L’espoir est un piège inventé par ceux qui commandent, il faudrait la révolution » - Mario Monicelli


par Marco Rigamo (http://www.globalproject.info)


A rappeler l’homme de cinéma Mario Monicelli y penseront ses films. Des dizaines de longs métrages succédèrent au premier réalisé, à l’âge de 20 ans, avec un tout petit budget, « I ragazzi della via Paal », primé en 1935 au alors récent festival international d’art cinématographique de Venise (La Mostra). Certains furent grands, quelques uns non réussis, d’autres des monuments comme ces deux films réalisés à la fin des années 50 qui ont influencé les cinéastes du monde entier, « I soliti ignoti » et « La grande guerra ». Il y eut aussi la géniale invention du grammelot proposé dans L’armata Brancaleone. D’autres de ses réalisations ont su illustrer à merveille la transformation de ce pays au cours des difficiles années 70 telles « Romanzo popolare » et « Un borghese piccolo piccolo ». D’autres encore ont marqué les étapes de la parabole définie comme comédie à l’italienne qui pour lui n’était que comédie. S’être vu accrédité de Maestro pour ces deux oeuvres lui était quelque peu pénible. Pour autant, il fut le premier à conclure tragiquement un film « comique », à conjuguer le divertissement léger avec les réflexions les plus amères sur le sens de la vie, à associer bouffonnerie et héroïsme, à suggérer que l’épique peut être amoral et que les valeurs peuvent se trouver aussi parmi les perdants. Pour cela, la meilleure des choses que nous pouvons faire c’est d’aller voir ces films ou de les revoir.


L’homme Mario Monicelli, on s’en souviendra par contre comme un homme de 95 ans, élégant, au physique sec et de bonne constitution, malade terminal rongé par un cancer à la prostate, qui, un soir de pluie, ouvre la fenêtre et se lance du cinquième étage de l’hôpital où il était alité. Dit et fait : « si je devais être contraint à une vie qui n’en est pas une, j’y mettrais fin ». Chapeau ! Alors que les intégristes pro-life aiguisent leurs armes en réponse à l’histoire d’amour de Piergiorgio et Mina Welby [1], Monicelli passait au dessus de tout et de tous, fenêtre comprise en nous expliquant comment faire. Sans mot dire, sans rhétorique, sans invoquer de protocole administratif, la tête haute comme il l’eut du début à la fin. Un geste que seules les personnes superficielles peuvent définir désespéré. On peut ou non aimer son cinéma, on peut le trouver daté ou lui imposer une comparaison improbable avec les images « flashies » qui remplissent les écrans du nouveau millénaire. Mais l’homme était tel quel. Un faux cynique, animé d’une grande curiosité envers la vie, laïque, libertaire, rigoureux, antifasciste. Militant. Après les journées du G8 de Gênes, en 2001, il fut parmi les premiers à se mettre à disposition de la défense des militants poursuivis par la justice en livrant un témoignage direct et en offrant les films qu’il avait tournés lors de ces journées et ce à l’âge de 85 ans. Ultra lucide dans son analyse des responsabilités du régime italien, il fut comme à son habitude authentique et sans limites dans son indignation et sa dénonciation d’un des chapitres les plus infâmes de notre histoire récente.


De la même manière, jusqu’au bout, il défendit publiquement le cinéma et le théâtre contre les attaques portées par cette classe politique de destructeurs en veillant de toujours rappeler que c’est la culture dans son ensemble qui est attaquée, que la culture nait et trouve son suc vital principalement parmi les jeunes. Génération de laquelle il se sentait proche et solidaire, sans jamais être paternaliste ou en position de supériorité. Il ne se limitait pas à livrer des interviews parfois gênantes à la limite de la provocation mais il était présent à de nombreuses rencontres et manifestations culturelles, sans crainte de s’opposer ou de se rendre antipathique lorsqu’il le retenait nécessaire. Un homme qui a refusé la Légion d’honneur qu’il trouvait sans intérêt, un homme qui a plus de 80 ans avait décidé de vivre à nouveau seul. Un homme qui pour sa dernière leçon a choisi une fenêtre d’hôpital, sans proclamations ni polémiques, avec une grande dignité. Un homme, qui – je ne peux pas me résoudre à ne pas le rappeler – à l’occasion de la présentation de son dernier film « Le rose del deserto » (un travail en Afrique affronté à 90 ans qui fut éprouvant) et lors d’un dîner passé à parler de choses et d’autres, répondit à son hôte qui lui proposait une grappa « non merci, la grappa c’est un peu lourd pour moi. N’auriez-vous pas plutôt une vodka, blanche, sèche et glacée ? ». Un mythe aussi pour cela. Addio Maestro.


Traduction de l’italien, ludo, HNS-info



Notes

[1] Note de HNS-info : Piergiorgio était atteint de dystrophie musculaire... sa femme l’a aidé à mourir et l’a revendiqué dans un libre. Cette histoire a relancé le débat sur l’euthanasie en Italie
Source :  HNS info

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