c-resistances-copie-2.jpgL'arrêté anti-mendicité fait tousser à Marseille

 

 


Mardi 18 octobre - Hier lundi, c'était journée mondiale du refus de la misère. Une initiative mise en place en 1987, pour "rendre honneur aux victimes de la faim, de la violence et de l'ignorance". A Marseille, on en a peu parlé. Beaucoup moins que de l'arrêté pris par la ville pour limiter la consommation d'alcool sur la voie publique, et aussi la mendicité, dans une très vaste zone qui couvre en réalité une partie de la ville. Personne ne s'en était vanté. Et c'est le socialiste Patrick Mennucci qui a mis les pieds dans le plat, plaçant la ville en face de ce qu'il appelle ses contradictions...


Il y avait conseil municipal et plusieurs élus venaient d'intervenir au sujet des roms à Marseille lorsque Jean-Claude Gaudin a pris la parole. Comme il le fait souvent sur ce sujet, le maire a rappelé qu'il lui semblait important de respecter la tradition humaniste de la ville. Puis il a souligné que lui-même n'avait jamais signé d'arrêté anti-mendicité, contrairement à d'autres élus. C'est alors que le président du groupe socialiste, Matrick Mennucci, a attrapé le micro. "Mais si vous l'avez signé", s'est-il exclamé en substance. Et c'était vrai. Enfin la municipalité de Jean-Claude Gaudin avait signé.

Caroline Pozmentier, adjointe déléguée notamment à la Sécurité a signé vendredi 14 le fameux arrêté, qui interdit "toute forme de sollicitation ou appel à la quête de nature à entraver la libre circulation des personnes, la commodité du passage dans les voies et espaces publics, l'accès aux immeubles riverains ou, de manière générale, de porter atteinte par ces comportements au bon ordre, à la tranquillité et à la sécurité publique" ( Télécharger l'intégralité de l'arrêté).

Le maire a-t-il menti ou lui avait-on caché la teneur de cet arrêté. La ville répond que Jean-Claude Gaudin a répondu en connaissance de cause mais que selon elle, il ne s'agit pas d'un "arrêté anti-mendicité", le mot n'étant pas mentionné. Elle aurait seulement voulu donner un cadre juridique à la police pour réprimer la "mendicité agressive". Mais l'arsenal législatif suffit théoriquement pour cela. Et l'opposition s'inquiète du coup de ce que le Parti communiste appelle une "chasse aux pauvres".

La ville et la police promettent que les agents sauront faire preuve de discernement, ne pas faire la chasse à la mendicité de nécessité. L'opposition ne semble pas pour autant rassurée. "J'étais à Nice sous l'ère Peyrat (Jacques, ex-FN devenu maire de Nice de 1995 à 2008, NDLR) et cet arrêté me rappelle des heures sinistres, lorsque l'on déportait les clochards sur une colline", assène Sébastien Barlès (EELV). Selon lui, l'arrêté est un "flirt discréditant" vis-à-vis de l'électorat FN. Le PCF rappelle pour sa part que "la pauvreté ne se combat pas en s'acharnant sur ses victimes".

De son côté, Patrick Mennucci affirme qu'il n'arrive pas à "comprendre la logique de cet arrêté". Il était demandeur d'une interdiction de consommer de l'alcool sur la voie publique, "sinon les policiers n 'ont pas de cadre pour agir". Selon lui, cela devrait d'ailleurs s'accompagner d'un "travail avec les épiceries" afin qu'elles cessent de vendre de l'alcool seul (sans autres produits). Pour la mendicité en revanche, l'arrêté  lui parait difficilement "applicable". Et pas forcément très utile. "Le cadre existe pour ce qui concerne la mendicité agressive", dit le maire du 1/7. Qui trouve par ailleurs qu'il n'y a pas tant de mendiants que cela à Marseille.


Avec cet épisode, Marseille continue de vivre (ou de subir) les ondes d'un été passé sous les feux d'une actualité braquée sur ses seuls problèmes de délinquance. Un nouveau préfet est arrivé, les effectifs de police ont été renforcés, ils sont très visibles dans le centre-ville. Depuis août, la vaste pelouse de la porte d'Aix n'est plus occupée par les Roms mais par des policiers, les habitants n'ont plus le droit de la traverser. La reconquête de l'espace public se poursuit (du moins dans le centre-ville). Les mendiants pourraient cette fois en faire les frais. Avec cet arrêté, la ville cible surtout ceux qui se montrent trop insistants aux terrasses, gênent les touristes notamment. Marseille veut soigner son image. C'est nettement moins compliqué à guérir que la pauvreté.


Olivier.

 

Source : LIBERATION

Tag(s) : #actualités
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