Durant ces prochains mois, notre site d'actualités ne soutiendra aucun candidat, fidèle à ses principes, ne pensant pas que le capitalisme peut s'améliorer par des élections, même s'il faut virer Sarkozy et combattre, comme chaque jour le FN. Néanmoins nous donnerons un écho aux deux candidats qui sont des salariés, militants de LO et du NPA, qui représentent une certaine proximité avec les idées que nous défendons...
Dan29000
===========================================================
Nathalie Arthaud (LO): «Faire vivre la lutte des classes, chaque jour»
On retrouve Nathalie Arthaud au siège de son parti, Lutte ouvrière, à Pantin, tout près de Paris. Elle est « essorée » par les premiers mois de campagne. La veille, elle a enchaîné visites sur le terrain et une émission télé. Ce jour, sur son bureau, son équipe lui a préparé quelques articles de presse, une page de Libération sur les temps de parole des “petits” candidats et l’analyse de Mediapart sur l’Allemagne fantasmée de Nicolas Sarkozy.
Nathalie Arthaud découvre la vie de candidate à la présidentielle, elle a dû renoncer à la délégation à la jeunesse à la mairie de Vaulx-en-Velin où elle est toujours conseillère municipale, et tente d’imposer un nouveau visage, après celui, emblématique, d’Arlette Laguiller, pour incarner sa petite organisation qui revendique 8.000 adhérents. Entretien.
C’est la première fois que vous vous présentez à l’élection présidentielle, succédant ainsi à Arlette Laguiller. Quels sont les grands événements politiques qui ont motivé votre engagement politique ?
Nathalie Arthaud. Mon engagement est le fruit de rencontres faites au lycée. Je viens d’un milieu plutôt rural, de commerçants pas politisés... Mais vers mes 16 ans, en 1986, j’étais déjà mobilisée face à la famine en Ethiopie, j’avais envie de faire quelque chose. J’avais envie de m’engager dans une association humanitaire... Puis j’ai rencontré des jeunes militants communistes de la JC. J’ai été touchée par la lecture du Manifeste (de Marx et Engels) et j’ai été curieuse de découvrir un milieu que je ne connaissais pas... Un an après, avec une bande de copains, nous avons rencontré des militants de Lutte ouvrière qui nous ont convaincus de nous engager.
J’ai alors cherché à comprendre ; j’ai tout découvert, de la Révolution française jusqu’à la révolution russe, en passant par la Commune de Paris. J’ai lu, j’ai été enthousiasmée par toutes ces révoltes, ces militants, ces combattants pour une autre société, qui allaient au bout de leur combat. J’ai été vraiment convaincue qu’on pouvait changer toutes ces injustices. Et que les travailleurs avaient la force sociale pour le faire. C’était ça la grande découverte des idées communistes : ce n’était pas la découverte des inégalités, mais que la force collective des exploités pouvait changer les choses.
Vous vous êtes donc engagée en tant que communiste au moment de la chute du Mur. Comment avez-vous vécu cette période ?
Pour moi, le communisme était avant tout un idéal, une aspiration à la révolution sociale... Le Parti communiste ne m’attirait pas du tout. Pour moi, c’était un parti au pouvoir, qui se comportait comme les autres. Je me sentais, moi, révolutionnaire : le trotskisme a aussi été cette conviction que le communisme était inséparable de la démocratie. Tous les pays qui avaient l’étiquette communiste étaient des caricatures grossières. En Union soviétique, deux familles communistes s’affrontaient. Mais le véritable héritier de Marx, d’Engels et de Lénine, c’était Trotski. Le stalinisme, lui, a été une rupture. Donc si je peux me revendiquer du communisme, c’est bien parce qu’il y a eu Trotski, son combat et la préservation de ce drapeau et de cet idéal.
Après la conversion de la LCR à l’anticapitalisme du NPA et le renoncement des lambertistes de l’OCI (aujourd’hui POI), vous êtes la seule candidate à vous revendiquer du trotskisme. Que signifie-t-il pour vous ?
Moi je suis communiste. Et je suis communiste parce que je suis trotskiste. Je suis en effet la seule. Il suffit d’écouter Jean-Luc Mélenchon pour comprendre qu’il ne se revendique pas comme communiste. Il ne défend pas l’idée que l’on puisse réorganiser l’économie sur de toutes autres bases, sans la propriété privée des moyens de production, sans la domination de la bourgeoisie. Quant à Philippe Poutou, il l’est peut-être en lui-même mais il représente un parti, le NPA, qui ne veut pas de cette étiquette.
Mais que signifie, pour vous, aujourd’hui, le communisme incarné par Trotski ?
J’y mets le programme de Marx, le programme d’expropriation de la classe capitaliste. Le communisme, c’est réorganiser la société en supprimant l’appropriation des moyens de production – les usines, les grandes chaînes de distribution, les banques – dans une poignée de mains privées. C’est revendiquer que ces moyens de production soient collectifs et dirigés collectivement, de la façon la plus démocratique et la plus rationnelle. Car là, enfin, on pourrait dire quels sont nos besoins et quelles sont les capacités de la société pour y répondre. Et on pourrait les faire correspondre.
Aujourd’hui, on a les moyens pour nourrir la planète, pour la soigner, pour loger tout le monde. Mais on ne le fait pas parce qu’entre les besoins et les moyens, il y a cet obstacle, ce mur infranchissable que sont les capitalistes, leurs investissements, leur bonne volonté...
Mais là-dessus, même si Philippe Poutou ne revendique plus l’étiquette trotskiste du NPA, il défend des positions très similaires. Il a aussi été militant à Lutte ouvrière. Quel est l’intérêt d’avoir deux candidatures sur des profils politiques aussi proches ?
Le fait de se revendiquer, ou non, du communisme a des conséquences sur les positions que nous prenons au jour le jour. Pour nous, le combat prioritaire est le combat des travailleurs sur la base de la lutte de classes, chaque jour. Le NPA le fait aussi, mais pas avec le même ordre de priorité. Il a l’habitude de tout mettre sur le même plan : les droits des femmes, l’antiracisme, l’écologie, etc. Nous disons que l’égalité hommes-femmes, la lutte contre les discriminations, la lutte pour que l’environnement soit respecté, ne pourront être achevées qu’à l’issue d’une transformation de la société. S’il y a un clou sur lequel on doit taper, et se concentrer, c’est d’apporter à la classe ouvrière des éléments pour se défendre au jour le jour et prendre conscience de sa force.
La révolution est un préalable à tout...
Eh oui. Cela passe par un militantisme dans la classe ouvrière et dans les entreprises, et par une série de positions. Par exemple, nous nous refusons à avoir l’attitude du NPA sur le nucléaire (le NPA veut la sortie du nucléaire en dix ans) : pour nous, ce n’est pas la technologie du nucléaire qui est en cause, mais l’organisation sociale. Le véritable problème, c’est de savoir à qui appartiennent ces secteurs énergétiques et qui les contrôle. Aujourd’hui, ils sont dans les mains de gens qui veulent avant tout produire du profit, et qui se transforment en apprentis sorciers. Comme avec les banques, ou quand ils font manger des farines animales aux vaches, ou quand ils fabriquent des prothèses mammaires avec du silicone non homologué...
Mais quand vous voyez les mouvements des indignés qui apparaissent ailleurs qu’au cœur de la classe ouvrière dont vous parlez, et sur des terrains sur lesquels LO est peu présent, ne craignez-vous pas de vous tromper sur l’origine possible d’un mouvement révolutionnaire ?
Le mouvement des indignés est vivant en Espagne. En France, non. Nous sommes de toutes les luttes, y compris celles qui se déroulent dans les facultés et dans les milieux étudiants, nous étions de la lutte contre le CPE, mais il ne s’agit pas d’aller dans des mouvements et de s’aligner derrière les objectifs qui ne sont pas toujours politiques. Si les indignés se développaient en France, nous militerions pour que le mouvement s’adresse aux jeunes des quartiers populaires, aux usines, aux travailleurs, pour que ce mouvement se politise.
Il faut que les travailleurs aient une politique et qu’ils soient organisés. C’est tout le combat de Marx et des communistes révolutionnaires. Il faut un parti pour les travailleurs, un parti de classe, un parti conscient de leurs intérêts, opposés à la bourgeoisie.
Comment expliquez-vous aujourd’hui la relative faiblesse de la contestation sociale en France ? Et donc la faiblesse des partis de gauche radicale ?
Il n’y a pas d’explication simple. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grandes révoltes d’esclaves avant celle de Spartacus ? Pourquoi a-t-il fallu attendre autant de temps pour que les peuples colonisés se révoltent ? Pour ceux qui sont révoltés et veulent changer la société, cela reste inexplicable. Je peux vous aligner bien des raisons pour qu’on soit tous demain dans la rue. Mais toutes les sociétés d’exploitation reposent justement sur le fait que les exploités ne sont pas conscients de leur force. Ils sont conscients des injustices qu’ils subissent mais ils ne sont pas conscients de leur capacité à changer les choses. Quand cette conscience surgit-elle ? A partir de quel événement ? Quelle petite lutte va faire boule de neige ? On ne peut pas le prévoir.
On sait aussi qu’il y a des périodes de plus ou moins grande faiblesse des luttes sociales...
Oui, cela a toujours été comme ça. La révolution commence d’abord dans les consciences. Il est difficile de dire à quel moment ce déclic se fait. Nous sommes militants parce que nous savons que ces moments-là, forcément, surgissent. Mais ils surprennent, comme a surpris la révolte du peuple tunisien il y a un an. Mais ce sont des moments rares dans l’histoire. Et ce sont des moments où il faut absolument qu’il y ait des militants pour proposer une politique aux travailleurs.
Si nous subissons toujours dans cette société absurde de l’économie capitaliste, c’est aussi parce que ces partis révolutionnaires, indispensables, ont manqué en Allemagne, en Italie, en France, dans les années 1920-1930. Nous, nous ne nous battons pas les flancs pendant des heures en nous demandant quand cette révolte surgira : elle surgira. Dans combien de temps ? Je ne sais pas. Mais nous serons présents et nous aurons une politique à proposer aux travailleurs.
Aujourd’hui, nous avons une politique à proposer pour répondre aux besoins vitaux des travailleurs : l’interdiction des licenciements, la répartition du travail entre tous sans diminution de salaires, l’indexation des salaires sur les prix ou le contrôle des travailleurs sur les entreprises, mais nous sommes bien conscients que ce programme ne deviendra une réalité que s’il y a des luttes puissantes pour l’imposer. Je ne m’en cache pas, je l’explique. Je ne vais pas aux élections avec un programme électoral, mais avec un programme de luttes.
Pensez-vous que les propos de Claude Guéant sur les civilisations, et plus largement la drague de l’UMP vis-à-vis du Front national, contribuent à cette résignation et à une division au sein des milieux populaires ?
Non, je ne crois pas. C’est complètement indépendant. Dans toutes les entreprises où il y a des réactions, fort heureusement, elles sont orientées contre le patron. Ce ne sont pas les idées du FN qui sont la cause de l’incapacité à se défendre. C’est plutôt l’incapacité à se défendre, c’est-à-dire le désespoir, le sentiment d’impuissance, qui en est la cause. Trotski disait lui-même qu’il a fallu des années pour que dans certains pays, on passe du désespoir réactionnaire, contre-révolutionnaire, exprimé y compris par des courants fascistes, à l’espoir révolutionnaire.
Mais je voudrais quand même revenir sur cette histoire du Front national : on nous dit qu’il progresse avec la crise. Mais ce n’est pas nouveau ! Il faut arrêter avec cela. A chaque élection, on a l’impression de découvrir le FN !
Les militants de LO qui sont surtout implantés dans les entreprises sentent-ils une forme de banalisation du discours du Front national ?
Ceux qui appréciaient ses idées l’expriment peut-être plus. Mais nous ne sentons pas ce que tous les médias décrivent, avec l’impression que tous les ouvriers
votent FN ! Quand les sondages disent que 30 % d’entre eux votent FN, on oublie qu’il y en a 70 % qui votent autrement ! C’est un raccourci insupportable. Car dès qu’il y a
un peu d’implantation syndicale, dès qu’il y a des mouvements, il n’y a plus de place pour tout cela. On ne peut citer aucune grève récente dirigée contre des travailleurs immigrés. En
revanche, il y en a eu des dizaines, des centaines, contre les licenciements, contre les bas salaires, la précarité. Et dans bien des cas, travailleurs français et immigrés se sont retrouvés au
coude à coude.
Vous évoquiez la révolution tunisienne. Un an après, quel regard portez-vous sur ces mouvements de l’autre côté de la Méditerranée ?