Moratoire sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes

LE MONDE | 09.05.2012 

Par Anne-Sophie Mercier

 
aéroport

Après des décennies de lutte, les opposants au projet d'aéroport du grand-ouest (AGO), dit aéroport de Notre-Dame-des-Landes, viennent de marquer un point. En grève de la faim depuis près d'un mois, les paysans qui s'opposent aux expropriations et aux expulsions ont signé un accord, mardi 8 mai, avec une délégation du PS de Loire-Atlantique et décidé dans la foulée de se réalimenter.

Depuis qu'ils se sont lancés dans cette nouvelle action, les opposants au projet ont eu l'intelligence politique de limiter leurs revendications. Sans aborder la question de fond, c'est-à-dire l'arrêt des travaux, ils demandaient que les expulsions s'arrêtent, le temps, comme ils le disent, de "laisser parler le droit", c'est-à-dire d'avoir épuisé tous les recours judiciaires en cours. But atteint. 

LES CARACTÉRISTIQUES D'UN NOUVEAU LARZAC

Des recours, il y en a plusieurs, déposés contre la concession accordée pour les travaux au groupe Vinci, d'autres contre les expropriations, sans oublier une QPC (question prioritaire de constitutionnalité), qui devrait être examinée, le 15 juin, par le Conseil constitutionnel.

Dès le 30 avril, François Hollande, interrogé par le quotidien Ouest-France, leur tendait une perche en estimant qu'il fallait attendre que la justice se prononce pour lancer les travaux. Les recours déposés devant la Cour européenne des droits de l'homme, ne font pas partie de l'accord signé entre les deux camps, mais il sera difficile aux défenseurs du projet, mairie de Nantes, conseil général de Loire-Atlantique et conseil régional des Pays de la Loire, d'ignorer les décisions européennes.

Pourquoi ce déblocage, et pourquoi maintenant ? Désireux, selon des rumeurs persistantes, de nommer Jean-Marc Ayrault, député socialiste de Loire-Atlantique et maire de Nantes, à un poste ministériel important, le nouveau président de la République ne pouvait laisser pourrir un dossier qui avait toutes les caractéristiques d'un nouveau Larzac.

Lire : Un "nouveau Larzac" sous les pieds de Jean-Marc Ayrault

L'affaire Notre-Dame-des-Landes, laissée en l'état, aurait été politiquement complexe à gérer pour M. Hollande. "Difficile de dire qu'on va incarner une présidence "normale", en se montrant autiste sur un dossier aussi conflictuel", analyse le député européen José Bové, qui a beaucoup œuvré pour une sortie de crise.

UN ENJEU NATIONAL

Géraud Guibert, un des conseillers de François Hollande sur les questions environnementales, qui a toujours défendu l'idée d'un moratoire, a tiré aussi la sonnette d'alarme côté socialiste : "François Hollande a fait comprendre à Jean-Marc Ayrault qu'un compromis était nécessaire." Ce qu'il faut bien appeler un moratoire est le résultat d'un travail acharné de certains écologistes.

José Bové et Daniel Cohn-Bendit ont longuement discuté au Parlement européen avec le socialiste Stéphane le Foll, très proche de M. Hollande. M. Cohn-Bendit et son frère Gabriel ont mobilisé l'ensemble de leurs réseaux. "Dany" a appelé Michel Sapin, "Gaby" a contacté son ami Vincent Peillon. Ils ont contacté Louis Joinet, fondateur du syndicat de la magistrature après 1968, et qui fut un des grands organisateurs de la bataille juridique des paysans du larzac contre l'Etat dans les années 1970. M. Joinet, a, raconte M. Bové, "donné quelques coups de fil".

Les écologistes de Loire-Atlantique n'ont jamais non plus baissé les bras. "Notre stratégie, qui consiste à avoir un pied dans les luttes, et un autre à l'épreuve du pouvoir, montre son efficacité", dit Jean-Philippe Magnen, vice-président (EELV) du conseil régional Pays de la Loire.

Les opposants au projet ont réussi à faire de leur dossier un enjeu national, sur lequel tous les candidats à l'élection présidentielle se sont prononcés. Ils ont obtenu le soutien de François Bayrou, celui, évidemment, d'Eva Joly, celui, à titre personnel, de Jean-Luc Mélenchon, sans oublier Marine le Pen. Plus de mille élus locaux les soutiennent désormais.


Anne-Sophie Mercier

Tag(s) : #environnement
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