MAE.jpgLa cour d'appel de Pau ouvre la porte à l'extradition d'Aurore Martin

Hier, la cour d'appel de Pau a validé le mandat d'arrêt européen délivré par un juge espagnol à l'encontre d'Aurore Martin. Elle risque douze ans de prison pour une conférence de presse, un meeting et une réunion politique.

 



24/11/2010

G. CAVATERRA et F. OÇAFRAIN

La cour d'appel de Pau s'est prononcée hier en faveur de la remise aux autorités espagnoles de la militante abertzale Aurore Martin.

L'Audience nationale espagnole réclamait la jeune femme pour avoir participé à des conférences de presse à Bayonne et Iruñea, des meetings politiques à Ustaritz et Iruñea, une réunion politique à Agurain (Araba), pour avoir été membre du bureau national de Batasuna, pour avoir été salariée du parti EHAK et enfin pour avoir signé un article d'opinion dans le journal Gara.

La cour a refusé d'accepter le mandat d'arrêt européen pour les faits ayant eu lieu dans l'Etat français. Elle a également refusé de l'accepter sur le motif qu'Aurore Martin fut salariée d'EHAK car l'interdiction de ce parti dans l'Etat espagnol est postérieure aux faits et que de plus ce parti bénéficiait à l'époque d'une représentation parlementaire.

Sur l'article d'opinion dans le journal Gara, la cour reste mystérieusement silencieuse.

Par contre, les juges palois considèrent valide le MAE pour la conférence de presse à Iruñea, le meeting dans la même ville et la réunion en Araba, au motif que le tribunal suprême espagnol a définitivement validé l'interdiction de Batasuna en 2003.

Pourtant lors de la conférence de presse d'Iruñea comme lors du meeting dans cette même ville c'est sous le nom de «gauche abertzale» que s'étaient présentés les intervenants et non sous le nom de Batasuna. En ce qui concerne le meeting qui avait eu lieu le 3 mars 2007, plus de trois mille personnes y avaient participé au pavillon Anaitasuna de la capitale navarraise. Ce meeting avait été autorisé à l'époque par les autorités espagnoles qui considèrent aujourd'hui qu'y avoir participé est un délit. Les participants y avaient alors reçu un message de salut du leader du Sinn Fein irlandais et prix Nobel de la paix Gerry Adams.

Me Amaia Rekarte, avocate de la militante, s'étonne d'un verdict «contradictoire». Elle indique que sa cliente a d'ores et déjà déposé un pourvoi en cassation. Le CDDHPB, la LDH, Anai Artea, Askatasuna, Segi, Batasuna, EA, Abertzaleen Batasuna, le NPA, le festival EHZ, les syndicats Lab, ELB et Solidaires et les Occitans de Libertat avaient appelé à une manifestation samedi qui a réuni un millier de personnes dans les rues de Bayonne. Les Amis de Karl Marx et la fédération des Pyrénées-Atlantiques du Parti communiste français s'étaient eux aussi prononcés contre l'application de ce MAE.

En outre, dans un communiqué assez peu ordinaire, la Ligue des droits de l'homme, l'Association européenne des droits de l'homme et la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme s'étaient élevés contre le fait que dans ce cas la justice était «instrumentalisée» par les Etats espagnol et français afin de «museler des opposants» (voir notre édition du 20/11).

Enfin, une centaine d'élus dont le député Jean Lassalle et le sénateur Didier Borotra (MoDem) ainsi que les six conseillers régionaux d'Europe Ecologie, trois conseillers généraux et plus de 80 maires et élus locaux avaient signé une pétition contre ce MAE.

A la suite de la décision, élus et partis ont commencé à réagir (voir également encadré). C'est notamment le cas de la fédération du Parti socialiste des Pyrénées-Atlantiques qui, dans un communiqué, demande qu'«Aurore Martin ne puisse pas être extradée sur des faits qui ne relèvent que d'actes politiques à savoir sa participation à diverses manifestations publiques et politiques organisées par un parti, légal en France.»

Le président de la LDH, J.-P. Dubois a, au micro de France Bleu, qualifié la décision de «très grave.» «Il s'agit d'une concession à des logiques policières».

Le Comité des droits de l'homme en Pays Basque lui aussi «dénonce [...] le scandale que constitue l'extradition programmée» d'Aurore Martin «pour un motif uniquement politique» dénonçant «un forfait en forme de provocation». Le CDDHPB «demande l'annulation par la juridiction supérieure de cette décision d'extradition» ainsi que «la révision radicale de la procédure du mandat d'arrêt européen.»

La mobilisation continue

Anaiz Funosas d'Askatasuna affirme qu'il «s'agit d'une décision politique prise à Paris» afin d'«interdire Batasuna dans l'Etat français». Elle ajoute que «c'est un précédent grave» qui va «ouvrir un boulevard» pour pouvoir envoyer dans l'Etat espagnol des militants abertzale du Pays Basque Nord. Pour Askatasuna, cela «montre que l'Etat français est un acteur de premier plan du conflit.» La représentante du mouvement insiste : «Paris utilise ces procédures pour masquer sa politique de négation du Pays Basque et faire taire les revendications» et «confirme nos doutes et nos soupçons sur les véritables raisons de ce mandat européen. Doutes qui étaient devenus certitudes lorsqu'on a vu le déploiement de forces pour empêcher les élus de se rendre en sous-préfecture».

Elle affirme que «la mobilisation va se poursuivre» et appelle les «grands élus à réagir. Ceux qui ne réagiront pas seront pour nous des complices.»



Mandat d’arrEt europEen : Les Elus rEagissent

Si Alain Rousset, président du Conseil régional d’Aquitaine, a indiqué hier qu“il ne souhaite pas s’exprimer sur ce genre de sujet”, d’autres élus ont exprimé leurs inquiétudes.

C’est le cas de François Maitia, vice-président du Conseil régional d’Aquitaine (PS) et conseiller général des Pyrénées-Atlantiques, qui s’est dit très surpris de la décision de la cour d’appel. “Je ne m’attendais pas du tout à cela compte tenu qu’au mois de juin, cette même cour avait rejeté le mandat d’arrêt européen. Jusqu’à présent, il n’y avait pas eu d’application du MAE dans le domaine politique. Il y a un changement d’attitude du tribunal surprenant”.

Autre élu régional en Aquitaine, Alice Leiciaguezahar s'inquiète de cette décision et y voit une volonté «de donner autorité à l'illégalisation du parti Batasuna en Espagne. Cette décision ne concerne pas que le Pays Basque mais tout le monde et il faut que tous les partis et associations réagissent.»

Même stupéfaction au sein du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques. «C'est lamentable dans la mesure où Batasuna n'est pas interdit en France, a indiqué le conseiller général (PS) du canton de Bayonne-Est, Jérôme Aguerre. «J'ai du mal à comprendre pourquoi on refuse une fois et accepte une autre fois. Ce n'est pas sérieux.» Jean-Pierre Mirande (MoDem), élu sur le canton de Mauléon, s'insurge de cette décision. «Je suis très étonné qu'une militante d'un parti légal en France puisse être transférée à la justice espagnole. Cela ne laisse rien présager de bon pour l'avenir». Le conseiller général souletin ajoute qu'il «s'insurge contre cette décision».

Jacobinisme

Quant à Christine Bessonart, maire de Saint-Pée-sur-Nivelle et présidente du Biltzar des maires, elle s'est dite «choquée, c'est la négation de la liberté d'expression. Une nouvelle preuve du jacobinisme de l'Etat. On ne peut plus être différent, avoir une opinion différente, au risque d'arrestation, de procès...».

De son côté, l'avocat Jean-René Etchegaray, membre du conseil d'administration au Conseil des élus et adjoint de Jean Grenet à la mairie de Bayonne, s'inquiète «d'une extension de l'utilisation du mandat d'arrêt européen». «C'est un dossier très sensible et il doit être utilisé de manière restrictive» ajoute l'élu du MoDem.

Aucun des élus de l'UMP contacté hier n'a répondu à nos sollicitations.

Mobilisation

Lundi, une dizaine d’élus avaient souhaité s’entretenir avec le sous-préfet Laurent Nuñez mais avaient trouvé porte close et une centaine de CRS. Ce dernier n’ayant accepté ni de les recevoir ni même de prendre en considération une pétition des élus.

Source : Le journal du pays basque

 

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 Le JPB
L'opinion - Tribune Libre

A. Martin ne doit pas être livrée aux juridictions d’exception espagnoles

20/11/2010

Communiqué commun LDH, FIDH et AEDH

Six ans après une première tentative, les autorités espagnoles tentent d'obtenir, à nouveau, l'extradition d'une ressortissante française à raison de sa participation à diverses manifestations publiques et politiques organisées par un parti, légal en France, Batasuna.

L'arrestation d'Aurore Martin dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen délivré par la justice espagnole, après un premier rejet récent pour insuffisance de motif d'une demande identique, atteste d'un acharnement relayé par les autorités françaises.

L'Association européenne de défense des droits de l'homme, la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme et la Ligue française des droits de l'homme condamnent, une nouvelle fois, le recours à une procédure aussi peu respectueuse des droits de la défense et des libertés individuelles. Elle conduit, en effet, à ce qu'une personne soit poursuivie par les autorités d'un pays européen pour des faits que ses propres autorités nationales ne reconnaissent pas comme illégales.

Cette situation est d'autant plus inacceptable que les juridictions espagnoles qui demandent la remise de Mme Aurore Martin sont des juridictions d'exception, ont été dénoncées par la cour d'appel de Pau comme ayant cautionné des actes de torture, et, pour cette raison, se sont vues refuser les demandes d'extradition formulées.

Enfin, cette démarche conjointe de la justice espagnole et du parquet français relève d'une volonté, non de lutter contre le terrorisme, mais de criminaliser des opposants politiques à l'initiative des gouvernements des deux pays.

L'AEDH, la FIDH et la LDH dénoncent cette entente entre Etats pour museler des opposants politiques en instrumentalisant la justice et appellent les autorités européennes à réviser profondément la procédure du mandat d'arrêt européen afin de garantir les libertés individuelles et à ne pas permettre de tels dévoiements de cette procédure.

 

 Source / FPL

 

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Le JPB
Pays Basque
Le MAE sert à "museler les opposants"
20/11/2010
Giuliano CAVATERRA

Dans un communiqué commun (voir page 2) la Ligue des droits de l'homme (LDH), l'Association européenne des droits de l'homme (AEDH) et la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme (FIDH) s'opposent au mandat d'arrêt européen (MAE) à l'encontre d'Aurore Martin. Mais au-delà du refus de ce MAE, les défenseurs des droits humains s'en prennent vivement aux Etats espagnol et français quant à l'utilisation de cette procédure à des fins politiques.

«Aurore Martin ne doit pas être livrée aux juridictions d'exception espagnoles», dit le communiqué pour qui les juridictions espagnoles qui demandent la remise d'Aurore Martin «sont des juridictions d'exception» et «ont été dénoncées par la cour d'appel de Pau comme ayant cautionné des actes de torture.»

Instrumentalisation de la justice

Les associations critiquent en des termes très sévères les Etats espagnol et français qu'elles accusent de vouloir «museler des opposants». Pour elles, la «démarche conjointe de la justice espagnole et du parquet français relève, non de lutter contre le terrorisme, mais de criminaliser des opposants politiques à l'initiative des gouvernements des deux pays.»

Enfin, «l'AEDH, la FIDH et la LDH dénoncent cette entente entre Etats pour museler des opposants politiques en instrumentalisant la justice.»

Ce communiqué est peu commun, tant dans sa forme que dans le fond, et constitue un réquisitoire en règle contre la gestion du problème basque par les Etats espagnol et français. Il semble bien démontrer une exaspération profonde des organisations de défense des droits de l'homme face aux dérives de la politique antiterroriste franco-espagnole mais aussi face aux «dévoiements» de la procédure du mandat d'arrêt européen. Procédure critiquée également par les avocats pour l'atteinte aux droits de la défense qu'elle constitue.

Malgré tout cela, les organisations politiques à l'exception d'Europe Ecologie, du NPA, et des partis abertzale, restent silencieuses y compris localement. Deux personnalités du MoDem ont toutefois pris position, le député Jean Lassalle qui s'est clairement engagé contre ce MAE et Jean-Jacques Lasserre qui a regretté que cette procédure ne «contribue pas à l'apaisement».

Contacté par le JPB il y a quelques jours, Max Brisson (UMP) n'a pas répondu. Hier, nous avons tenté de joindre Pierre Chéret, secrétaire départemental du Parti socialiste, mais sans succès. Le conseiller général socialiste Kotte Ecenarro s'est lui prononcé contre ce MAE.

Stratégie juridico-politique

Mathieu Accoh du Parti de gauche, joint alors qu'il était en route pour le congrès de son parti, nous a indiqué que celui-ci donnera une position commune avec son partenaire du Front de gauche, le Parti communiste, la semaine prochaine. Le communiste Daniel Romestand nous indiquait pour sa part qu'il avait transmis «un dossier à la direction nationale» de son parti et qu'il «attendait une réponse.»

Batasuna, dans une conférence de presse à laquelle participait Aurore Martin, a affirmé qu'avec ce MAE «on assiste à une logique de provocation alors qu'un processus de résolution du conflit est en marche». Aurore Martin a dénoncé la stratégie «juridico-politique» des Etats français et espagnol. Elle a insisté sur le caractère politique de ce qu'on lui reproche en donnant l'exemple du meeting d'Ustaritz dans lequel Batasuna avait rendu publique une proposition institutionnelle pour le Pays Basque Nord et pour lequel elle est poursuivie et elle s'est étonnée du silence des politiques.

Source : FLP


 

Tag(s) : #actualités
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