Un ex-détenu réclame 25 000 euros à la maison d’arrêt de Bayonne pour “traitement inhumain”

 

06/10/2012

Pierre MAILHARIN


 


Cette action judiciaire, inédite au Pays Basque, pourrait rapidement faire des petits : un ancien détenu de la maison d’arrêt de Bayonne réclame à l’établissement carcéral une indemnisation “du fait des conditions indignes et dégradantes caractérisant le traitement inhumain”, précise son avocat, Me Sébastien Binet.

La procédure, bien qu’engagée depuis plus de neuf mois, vient seulement d’éclore médiatiquement. “La maison d’arrêt n’intéresse personne”, soupire la robe noire. “J’en ai parlé mercredi dans le cadre de la conférence sur la maison d’arrêt.”

Avant d’entrer sur le terrain judiciaire, Me Binet a présenté un recours préalable auprès de l’administration, reçu le 6 octobre 2011 par la direction interrégionale des services pénitenciers de Bordeaux. Sans suite. Deuxième étape le 30 janvier 2012, donc, avec l’enregistrement d’un recours contentieux devant le tribunal administratif de Pau.


Rapport de visite accablant


La requête de l’ex-prisonnier, qui “avait l’impression d’être traité comme un chien”, est particulièrement motivée : “Il y a d’abord la surpopulation carcérale”, dévoile son avocat. Un rapport de visite du contrôleur général des lieux de privation de liberté (autorité administrative indépendante) d’avril 2009, en fait état de manière accablante : “Le jour de l’arrivée des contrôleurs, 154 détenus étaient écroués, dont 138 en détention, soit un taux d’occupation de 194 %” de la prison, sachant que “sa capacité théorique est de 71 places en détention et de quatre en semi-liberté”. Si la période incriminée est un peu plus récente (24 mai-18 juin 2011), le ratio détenus/places serait resté encore au-dessus de un.

A cela s’ajoutent d’autres griefs, liés de près ou de loin à la surpopulation : “Le principe d’‘encellulement’ individuel n’est pas respecté, il y a un manque d’intimité pour les prisonniers avec refus de WC séparés du reste de la cellule – quand trois détenus sont dans la même cellule, on comprend les problèmes que cela pose –, manque d’hygiène : à la maison d’arrêt, il y a eu et il y a des cas de galle, des cas de tuberculose et il y a des rats”, égrène Me Binet.

Pour “frapper fort” et de manière “symbolique”, l’avocat du barreau de Bayonne demande pour son client une indemnisation de 25 000 euros. “La question de la dignité n’a pas de prix. Aujourd’hui, il faut mettre un terme à ces situations”, tranche-t-il.


D’autres procédures à prévoir


Sollicité, le chef d’établissement, M. Breuvart, n’a pas souhaité commenter la procédure en cours : “L’établissement n’est pas au courant d’une plainte contre les conditions de détention évoquées. C’est logique : l’avocat dépose sa plainte, le système judiciaire nous informera ensuite.”

Le directeur de la prison de Bayonne pourrait se retrouver avec une pile de dossiers du même type sur son bureau dans les prochains mois. Ces procédures d’indemnisation, lancées à l’échelle hexagonale sous l’impulsion de l’Observatoire international des prisons (OIP) et du juriste Nicolas Ferrand, ont abouti à une quinzaine de condamnations, d’un montant certes inférieur aux 25 000 euros réclamés. De quoi donner des idées.

Localement, Me Binet prévient : “J’ai d’autres clients qui m’ont donné mandat pour attaquer la maison d’arrêt de Bayonne. Et il n’est pas interdit de penser que des agents pénitenciers – ce ne sont pas eux que l’on montre du doigt – attaquent également.”

 

La surpopulation, une question politique


“Bayonne est un établissement où l’on vit souvent l’indignité. On ne peut que dénoncer le fait que le directeur, à une question du bâtonnier sur le racket et le trafic, réponde : ‘Je sais, mais qu’est ce que vous voulez que je fasse ?’. Il n’y a pas de fatalité !”, tonne Gabi Mouesca pour l’Observatoire international des prisons (OIP).

Député de la 5e et membre de la mission sur la surpopulation carcérale – dont beaucoup de problèmes découlent –, Colette Capdevielle pointe du doigt la politique de ces dernières années.

La procédure de comparution immédiate serait le premier facteur de surpopulation : “Pour un quart d’entre eux, les détenus viennent de comparution immédiate. Le recours quasi systématique à cela a engorgé les prisons car quand la justice juge plus rapidement, elle est plus sévère”, estime la parlementaire locale.

Autre raison : les peines planchers. “Elles ne donnent pas la possibilité au juge, en cas de récidive, d’apprécier. C’est la prison automatique.”

Selon Mme Capdevielle, une circulaire de la garde des Sceaux est revenue sur ces deux points en demandant aux juges une prise en compte plus importante du temps et une individualisation des peines.

Bientôt une réforme législative ? “Je pense qu’on va aller vers ça, mais il y a une opinion publique à préparer.”


 

 

SOURCE / LE JOURNAL DU PAYS BASQUE.COM

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