Les enfants qu'on enferme

 

 

Les enfants qu'on enferme sont des enfants de chair et de sang, portés par leur mère pendant neuf mois, nés en France ou ailleurs dans des pays que leurs parents ont fuis, précisément parce qu'ils espèrent pour eux un avenir meilleur.

 


Les enfants qu'on enferme dans les prisons pour étrangers ont vu leurs parents déposer des dossiers, et recevoir des refus à leur demande d'asile ou de séjour en France, parfois des années durant. Ils ont vu leurs parents se cacher pour tenter de les protéger, le père ou la mère, s'enfuir, se mettre à l'abri avec leurs frère ou sœur. Ceux qui sont restés ont été sortis du lit, et de leur logement, par un petit matin sale, poussés au milieu de l'agitation bruyante, parfois violente, de dizaines de policiers, dans des fourgons, bus ou voitures aux fenêtres fermées. Ils ont été emmenés à des centaines de kilomètres de chez eux, de leur école, de leurs voisins. Au bout d'heures interminables de voyage vers un lieu inconnu, on les a parqués dans une prison spéciale pour familles étrangères. Avec des grilles et des portes fermées, des caméras de surveillance et des grillages au dessus des clôtures. Près des aéroports. Dans les couloirs, les vols des retenus sont affichés. Au dessus de leur tête, à tout instant, un avion décolle ou atterrit.

Les enfants qu'on enferme comparaissent devant des tribunaux qui siègent jour et nuit, le 15 aout et le dimanche aussi : ils y voient leurs parents menottés, empêchés de s'exprimer, parce qu'ils ne parlent pas bien la langue, que la question ne porte pas sur leur vie, mais sur l'article L. 25 de la loi Besson ou qu'une dizaine d'autres étrangers attend de comparaître après eux.

Les enfants qu'on enferme se croient libres à 16 heures, mais le préfet fait appel de la décision du juge des libertés, et ils sont de nouveaux enfermés. Une fois, deux fois, parfois plus.

Les enfants qu'on enferme dans les prisons pour étrangers y perdent en quelques heures le sommeil, l'appétit, la propreté. Et la confiance dans la capacité des adultes de les protéger.

Libérés par les juges, les enfants sortent presque tous des prisons pour étrangers avec leurs parents. Revenus « chez eux », tout est à recommencer : logement à retrouver, démarches pour les papiers. Ils ont huit jours pour souffler, huit jours sans la peur qui colle au ventre que tout peut, à tout moment, recommencer.

RESF a eu connaissance de l'enfermement d'au moins trente-deux enfants au cours de l'été 2011. Claude Guéant vise 30 000 expulsions pour la fin de l'année. Ceci se passe chez nous.

 

22 juin : quatre enfants kosovars (dont un bébé de 10 mois et un adolescent handicapé), enfermés au CRA Saint-Exupéry de Lyon jusqu'au 8 juillet. A leur sortie, ils se retrouvent à la rue.

30 juin : deux enfants kosovars (2 ans, 1 an,) enfermés avec leurs parents et grand-mère au LRA Saint Louis (57)

5 juillet : 3 enfants géorgiens (6, 7 et 12 ans et demi) et leur mère, arrêtés en préfecture de Bordeaux, et enfermés au CRA Cornebarrieu de Toulouse

18 juillet : Nella, 10 mois, kosovare, et sa mère enfermées au CRA de Metz (le père a pu échapper). Elles sont amenées dans la nuit à Roissy. Izetta, la mère refuse d'embarquer. Libérées le 21 juillet, ayant perdu tout espoir, sans ressources, Izetta tente de s'immoler avec sa fille, elles sont sauvées de justesse.

28 juillet : deux enfants (Anna, 6 ans, Rafael, 2 ans) et leurs parents (mère russe /père arménien) au CRA de Saint Jacques de la Lande de Rennes: La mère très souffrante ne peut plus se déplacer qu'en fauteuil roulant,

1er aout : ouverture du nouveau centre de rétention du Mesnil Amelot, moderne, automatisé et équipé de cellules familiales

11 aout : une jeune mère somalienne et son bébé de 6 mois au CRA St Jacques de Rennes, libérée par le JLD

16 aout : deux enfants bengalis, Safayet, 6 ans et Janiya 3 ans, nés en France et leurs parents, enfermés au CRA de Rennes jusqu'au 22 août, libérés au bout de cinq audiences.

16 aout : 9 enfants roms kosovars de 2 à 11 ans, arrêtés à Clermont-Ferrand, convoyés au CRA de Lille avec leurs parents (deux femmes enceintes, malades), libérés par le JLD

 

23 aout : CRA de Lyon : deux enfants roms kosovars (4 ans et 2ans ½) arrêtés avec leurs parents à Clermont-Ferrand.

- CRA de Rennes : deux enfants tchétchènes de 15 et 4 ans, enfermés avec leurs parents. Leur fils aîné âgé de 16 ans était absent au moment de l'arrestation.

25 aout : Artur, 5 ans, arménien, en rétention avec son père. La maman avait fui le domicile avec ses 2 filles pour les sécuriser.

 

31 août : arrivée au CRA du Mesnil Amelot d'une mère de famille géorgienne et de ses 3 enfants de 5, 2 et 1 ans, tous nés en France. Alors même qu'un recours est en cours, ils ont été arrêtés à leur domicile, à Guéret dans la Creuse, le 30 août au matin. Le père a échappé à la rafle.

 

Armelle Gardien, RESF 92

 

 

Source : Mediapart

Tag(s) : #actualités
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