Le Reste: «La radicalisation se trouve du côté du gouvernement»
TCHAT

A la veille d'une nouvelle journée d'action interprofessionnelle, Didier Le Reste, secrétaire général de la CGT-cheminots, qui a déposé un préavis reconductible à partir de mardi, a répondu à vos questions.

 

Jojo. La grève reconductible, à ce moment-là de la réforme, est-ce que cela veut dire que les grandes journées de manifs, sans suites le lendemain, ont été un échec?

 
Didier Le Reste. Les manifestations et les grèves rythmées, ces derniers mois, par période de 24 heures ont permis d'ancrer la mobilisation sociale et de l'élargir. Face à l'intransigeance et au mépris manifestés par le gouvernement et le chef de l'Etat, il appartenait aux syndicats de mettre le niveau de la riposte à la hauteur des enjeux posés.

L. N'est-ce pas un peu tard de la part des transports pour se lancer dans une grève reconductible? La réforme est déjà votée à l'Assemblée, elle va l'être dans quelques jours au Sénat. Pourquoi ne pas avoir radicalisé le mouvement plus tôt?
Delestre. Pourquoi avoir attendu un moi,s après le 7 septembre, pour la grève reconductible? A force, vous allez démobiliser et vous en porterez la responsabilité. Vous saviez bien que le gouvernement ne lâchera rien sans rapport de force extrême.

 
Les modalités d'action ne se décrètent pas, personne n'appuie sur un bouton pour mettre les salariés dans telle ou telle forme d'action. Nous sommes dans un processus de mobilisation interprofessionnelle. L'enjeu des retraites dépasse le seul secteur des transports, c'est pourquoi il nous fallait attendre le moment opportun pour construire des mouvements reconductibles.

Rver. Laurence Parisot a déclaré que les grèves «dégradent la réputation de la France». Qu'en pensez-vous ? Le modèle social français que défendent ces grèves ne fait-il pas lui aussi la «réputation de la France» ?

 
Je dirais à Laurence Parisot que ce qui dégrade aujourd'hui la réputation de la France dans le monde, ce ne sont pas les grèves, c'est surtout cette politique socio-économique réactionnaire, sans parler de celle qui porte sur l'immigration.

Vincent. Que pensez-vous du rôle éventuel que doivent mener les jeunes, étudiants et lycéens dans cette mobilisation ?

 
Je pense que les jeunes ont raison de s'intéresser aux contenus de la réforme des retraites, et par voix de conséquence à leur avenir. L'implication des jeunes dans le mouvement doit se faire en respectant l'autonomie de leurs organisations.

Zarathoustra03. Pourquoi la CGT se confine-t-elle à une frileuse position de rejet vis-à-vis de la grève générale, alors qu'une bonne partie de sa base la réclame ? Est-ce parce que, comme en 1968 ou dans des conflits plus récents, la CGT ne souhaite pas laisser la main à sa base?

 
La grève générale n'est pas réclamée par la base, les salariés dans leur diversité et leur majorité souhaitent des modalités d'action allant au-delà des journées classiques de 24 heures. Et la CGT est beaucoup plus pour la généralisation des grèves, que la grève générale décrété de façon incantatoire.

Votre pseudo. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait abolir les réformes Baladur et Fillon qui sont responsables d'une baisse de 20 % des pensions ?


Je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il conviendrait d'abolir les réformes de 1993 et 2003 concernant les régimes de retraites. Pour cela, il nous faut construire un mouvement social de très grande ampleur qui mobiliserait à la fois les salariés et les retraités.

Pipoernest. Au-delà des sondages qui donnent un Français sur trois favorable aux mouvements syndicaux, pensez-vous que les Français soient réellement prêts à supporter une longue période de grève comme en novembre 1995, alors qu'ils sont fragilisés par la crise ?


Je ne peux pas me prononcer parce que la météo social n'est pas mon fort. Par contre, je suis persuadé que, s'il y a un mouvement d'ampleur et de fond, les Français peuvent accepter de perdre aujourd'hui pour gagner plus demain.

Hyppo. Ne pensez-vous pas, au-delà de la focalisation sur la retraite (enjeu justifié) qu'il y a un ras le bol général d'une politique avec déni démocratique et régressions à tous les étages (sauf le supérieur) ?


Oui, je ne peux que partager le qualificatif de «déni de démocratie sociale», voire parlementaire, manifesté par l'exécutif et le chef de l'Etat. C'est ce qui, à ma connaissance, exaspère le plus l'opinion publique.

Fino. En Espagne le PSE au pouvoir reporte l'âge de la retraite de 65 à 67 ans, cela à la demande du socialiste francais Dominique Strauss Khan, directeur du FMI. Pourquoi acceptez-vous dans ces conditions le PSF dans vos manifestations? Renoncez-vous a l'internationalisme des luttes?


Je remarque que plusieurs pays ont réformé leur régime de retraite, mais ils ont pris plus de temps qu'en France et, semble-t-il, les propositions alternatives des organisations syndicales ont pu être débattues. Pour ce qui est des rapports syndicats/partis politiques, chacun est à sa place, chacun a son rôle à tenir, et il n'y a pas de confusion des genres.
Sur le rapport du FMI, ce n'est pas une découverte que de prendre connaissance des préconisations, des propositions du FMI. Je n'ai pas vu le rapport en question, mais je ne suis pas étonné par ailleurs.

Sylvain. Je suis salarié dans une petite entreprise et je ne sais pas si je pourrais faire la grève mardi, même si je pense que cette lutte est juste. Est-ce qu'il existe des caisses de solidarité pour que les grévistes les plus déterminés puissent continuer à lutter contre cette réforme injuste.


Certains syndicats ont des caisses de solidarité dans leur propre fonctionnement. A La CGT nous n'avons jamais créé, en tant que telles, des caisses de solidarité financière. Par contre, dans ce genre de conflit nous savons, à un moment donné, organiser en grand la solidarité financière en direction des grévistes, comme on l'a vu en 1995.

Zarathoustra03. Entre la CFDT ou la CGC, prêtes à des concessions sur les revendications portées par l'intersyndicale, et FO, Solidaires, ou la FSU, qui prônent un mouvement beaucoup plus dur, ne craignez-vous pas une fissure dans l'unité syndicale qui serait préjudiciable à la lutte, comme cela l'a été en 2003 ?


La meilleure des garanties pour conserver un mouvement social fort, uni, portant essentiellement sur les revendications, ce sont les salariés qui en détiennent les clés.A savoir, c'est à eux d'analyser, de débattre, et de décider des suites du mouvement avec leurs syndicats et délégués de proximité.

Gérard. Avec des grèves reconductibles, le pays va encore se trouver en partie paralysé avec les conséquences économiques que l'on connait, tout en sachant que la réforme va être votée. Tous les leaders syndicaux le savent et jouent l'hypocrisie. De qui se moque la CGT?


On peut regretter la déterrioration de la situation, mais, et l'opinion publique en atteste, la radicalisation se trouve dans le camp du gouvernement et du chef de l'Etat. Je dis qu'il n'y a pas eu de négociation sociale nationale, le gouvernement et Nicolas Sarkozy traitent avec désinvolture et mépris les manifestants et passent en procédure d'urgence la réforme à l'Assemblée et au Sénat. La balle est dans leur camp.

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Tag(s) : #actualités
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