Les salariés d'EDF et GDF-Suez durcissent le ton



Pour l'instant, cela ne se voit pas. Et cela les agace.

 

 

Depuis une semaine, les salariés d'EDF, de GDF et de la distribution du gaz et de l'électricité multiplient les actions contre la réforme des retraites. Et chaque jour, le mouvement gagne en intensité. Pourtant, parce qu'ils ont renoncé depuis longtemps aux impopulaires coupures générales, personne ou presque n'en parle. Cette fois-ci encore, pas question de revenir sur cette règle intangible. «Il faut que le mouvement reste populaire. Notre protection, c'est le soutien massif de la population», affirme Yann Cochin, un des porte-parole de Sud Energie. La puissante fédération énergie est sur la même ligne. «Nous devons rester en phase avec l'opinion publique. Ce que l'on souhaite, c'est que notre corporation puisse apporter sa contribution au mouvement interprofessionnel contre les retraites. Nous sommes pour des actions ciblées», explique Marie-Claire Cailletaud, porte-parole de la CGT-Energie.



Les gaziers, qui n'ont pas oublié le reniement de Nicolas Sarkozy sur la privatisation de Gaz de France, sont le plus en pointe pour le moment. Depuis mardi, les trois terminaux méthaniers (Fos Tonkin, Fos Cavaou et Montoir de Bretagne), qui assurent 30% de l'approvisionnement gazier français, sont à l'arrêt. Plus aucun bateau ne peut être déchargé. Mercredi, les centres de stockage gaziers se sont à leur tour engagés dans le mouvement. Chez GDF Suez, on minimise l'ampleur du dégât: «Seul le centre de Chemery (Loir-et-Cher) (qui représente, malgré tout, un tiers des capacités de stockage), est totalement bloqué.» «Trois centres de stockage souterrains sont en grève: Chemery, Soings et Céré-la-Ronde», assure de son côté Marie-Claire Cailletaud. «Mais six autres centres étaient déjà à l'arrêt. Sur les douze stockages existants, il n'y en a plus que trois qui fonctionnent», détaille-t-elle. Au total, 60 à 70% des sources d'approvisionnements sont déjà coupées.



GDF Suez, qui n'aime guère tenir une parole publique sauf à destination des marchés financiers, se fait discret sur le sujet. Pour lui, il n'y a aucun problème: l'équilibre du réseau est assuré et il n'y a pas besoin de demander aux industriels de s'effacer, comme cela est prévu en cas de tension ou de menace de rupture. Les syndicats, eux, sont beaucoup plus nuancés. «Le sud de la France n'a plus du tout d'approvisionnement, il n'est alimenté que par le nord. Les centres de stockage sont à l'arrêt. L'essentiel de la fourniture de gaz arrive par les gazoducs du nord et du nord-est. On importe un maximum en ce moment», assure Eric Buttazzoni, syndicaliste CGT chez GDF-Suez. Pour certains gaziers, les limites physiques d'importation pourraient être rapidement atteintes. «D'ici au début de la semaine, il pourrait y avoir des difficultés d'approvisionnement sur le réseau», dit Yann Cochin. Ce que le gouvernement, manifestement, n'a pas du tout pris en compte. D'autant que les actions risquent encore de se durcir. «Les collègues de GRT Gaz (le gestionnaire du réseau de transport) n'ont pas encore pris la main sur les robinets, mais si besoin, on réduira le débit. Dans ce cas, en moins de quarante-huit heures, les industriels seront délestés», précisait Laurent Langlard, autre porte-parole de CGT Energie aux Echos. La tentation risque d'être d'autant plus grande que Gérard Mestrallet, PDG de GDF-Suez a commis un impair majeur dans ces temps de tension: il a annoncé mercredi lors d'un comité de groupe européen en Allemagne qu'il était prêt à ouvrir le capital de sa filiale de transport, ce qui signifie pour les salariés de GDF la fin de l'entreprise intégrée. Très inquiètes, les fédérations patronales s'alarment des risques possibles de coupure. La fédération de la métallurgie aurait ainsi fait savoir que si elle manquait de gaz, tous les salariés seraient mis en chômage technique.



Du côté d'EDF

Le ton monte aussi dans l'électricité. Plusieurs centrales nucléaires (Chooz, Gravelines, Penly, Flamanville) connaissent des baisses de charge importantes, notamment lors du changement d'équipes. Les usines thermiques du Havre ou Porcheville tournent par intermittence en sous-régime. Jeudi, environ 300 personnes ont bloqué l'usine hydro-électrique EDF d'Ottmarsheim (Haut-Rhin) et l'écluse sur le canal Rhin-Rhône à proximité. «Mais nous ne pouvons mener que des mouvements limités compte tenu de l'état de la production. Sur 58 tranches nucléaires, 18 étaient à l'arrêt et 16 étaient indisponibles avant même le mouvement de grève (voir la France menacée de manquer d'électricité : http://www.mediapart.fr/journal/economie/201109/cinq-ans-de-gestion-de-pierre-gadonneix-edf-la-france-est-menacee-de-manquer ).



EDF importait déjà 6.000 mégawatts lundi. Dès que nous commençons à baisser les charges, nous recevons ordre du gestionnaire de réseau de les remonter», explique Marie-Claire Cailletaud.A plusieurs reprises, les syndicats ont demandé l'effacement des gros consommateurs industriels pour assurer l'équilibre du réseau. La direction d'EDF s'y refuse et importe massivement. Sur le marché de l'électricité, le prix du mégawatt a franchi les 126 euros en France hier, soit près du double du prix allemand ou suisse.Déterminée, la fédération CGT Energie envisage désormais de procéder à des coupures ciblées. Déjà, quelques lieux symboliques comme ceux du Medef ou de l'UMP ont connu des coupures. A l'avenir, des zones industrielles ou des centres commerciaux pourraient être délestés momentanément.Si de telles actions étaient menées, elles seraient lourdes de conséquence pour le gouvernement comme pour la CGT. «Ce serait la remise en cause par la base du recentrage de la CGT, engagé en 2004 par le deal entre Nicolas Sarkozy et Bernard Thibault dans l'énergie. La confédération ne peut pas tenir sans l'appui de sa première et sa plus riche fédération», dit un très bon connaisseur du dossier. «L'Elysée pense tout tenir. Il se trompe. Et son erreur de jugement pourrait lui coûter très cher.»


Source : Anonyme



Tag(s) : #actualités
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