Expulsés : Lettre ouverte à Didier Paillard, maire de Saint-Denis et aux élu-e-s de la majorité municipale

Vous avez engagé le 23 décembre une procédure en référé auprès du tribunal administratif de Montreuil demandant l’expulsion des « occupants sans droit ni titre » du parvis de la Mairie de Saint-Denis.

Nous sommes indigné-e-s d'une telle démarche, plus indigné-e-s encore qu'elle vienne de vous, de la municipalité de Saint-Denis, de son Maire, de sa majorité.

 

 


Depuis le 7 décembre, en effet, une vingtaine de tentes sont installées sur ce parvis. Elles donnent à voir au cœur de Saint-Denis la brutalité et le cynisme du pouvoir sarkozyste largement inspiré par l'extrême-droite. Celles et ceux qui y dorment après avoir été expulsé-e-s du squat « historique » du 76 rue Gabriel Péri sont la cible de ce pouvoir à au moins trois titres : ce sont des travailleurs pauvres, ce sont des immigré-e-s, ce sont des sans papiers.

Leur combat pour la vie est aujourd’hui celui de tous contre ce pouvoir là.

Telle est la situation : depuis 2007, la brutalité et le cynisme du gouvernement a atteint des niveaux inconnus depuis des décennies. L’explosion des inégalités nous a ramenés un siècle en arrière. La logique financière généralisée saccage des vies. Les lois ne servent plus à garantir les droits mais à les combattre. La logique de police, de stigmatisation des victimes et de répression s’impose comme solution unique à tous les maux sociaux. Ce pouvoir fait aujourd’hui la guerre aux gens.

Dans cette situation, votre responsabilité politique, matérielle et morale comme élu-e-s locaux est immense car les victimes de ce pouvoir ont impérieusement besoin de soutien et de protection. De longue date, la municipalité de Saint-Denis a su assumer cette responsabilité. L’élection de la nouvelle équipe en 2008 sur le programme « La ville pour tous » était pour nombre d’entre nous, la garantie qu’elle continuerait de le faire.

Nous savons tous que la Mairie n’a pas toutes les solutions. Il est de notre responsabilité collective, ensemble, d’œuvrer à battre ce pouvoir. L’échéance présidentielle qui s’annonce mobilise déjà nombre d’entre nous. Les élu-e-s de la majorité municipale sont eux-mêmes engagé-e-s dans le soutien de la candidature d’Eva Joly,  de Jean Luc Mélenchon ou de Nathalie Artaud.

Mais en attendant, les résident-e-s du 76 sont à la rue. Et il n’est d’ailleurs pas certain que la défaite de Sarkozy dans les urnes transforme leur situation.

L’immeuble du 76 rue Gabriel Péri est squatté depuis 12 ans. Ses habitant-e-s ont connu l’incendie en 2004, le saturnisme, la mise en péril de l’immeuble en raison des travaux palliatifs engagés par l’Etat en 2010. En 2008 une lutte collective a été engagée, avec votre soutien et celui du député Patrick Braouezec pour la régularisation et le relogement des habitant-e-s. Les dossiers ont été déposés en préfecture en 2009. Cette mobilisation a été longue. Elle a connu des difficultés. Elle a conduit certains habitants à la grève de la faim. Au bout de deux ans, les deux tiers des habitant-e-s ont été régularisé-e-s et relogé-e-s.

C’est cette lutte qui continue aujourd’hui dans des conditions encore plus dures puisque l’immeuble, au prétexte de sa dangerosité, a été évacué le 7 décembre.

C’est tout naturellement, dans la suite de la solidarité qui s’était manifestée depuis des années, que les expulsé-e-s se sont mis sous votre protection en installant leur campement de fortune sur le parvis, là où la police ne pouvait les déloger.

Cette installation n’a pas vocation à devenir pérenne. Les ancien-ne-s résident-e-s du 76 demandent d’abord un soutien dans leur face à face avec l’Etat et sont prêts, en attendant régularisation et relogement, à envisager avec vous des solutions alternatives.

Leur combat n’est pas sans rapport avec le débat politique national. Car pouvons nous battre le Sarkozysme dans les urnes sans le combattre au jour le jour partout où sa politique est à l’œuvre ? Sans mettre fin au mépris des gens, à la chasse aux pauvres et aux immigré-e-s ? Sans combattre aujourd’hui les mauvaises lois au nom du droit des gens et non combattre les gens avec des lois scélérates ? Sans combattre dès maintenant la logique meurtrière du profit financier ? Sans cesser de penser que la police est la solution à tous les maux et que c’est en réprimant les victimes qu’on peut faire taire l’injustice ?

Telles sont bien les questions qui se posent aujourd’hui à Saint-Denis sur le parvis de la Mairie.

C’est pourquoi, dans cette situation, nous ne comprenons pas votre immobilisme, votre peur d’afficher une solidarité active et la procédure d’expulsion que vous avez engagée auprès du tribunal administratif de Montreuil. Ce sont autant de défaites pour tous ceux qui veulent un changement dans ce pays.

C’est pourquoi nous vous demandons de revenir ici et maintenant aux côté des victimes qui vous ont fait confiance, d’abandonner la procédure d’expulsion et de les soutenir dans leurs combats pour la dignité humaine.

Premiers signataires 
Corinne Angelini (ancienne Maire adjointe), Alain Bertho, Jean Brafman (ancien Conseiller régional), Jean-Jacques Chatelux, Malika ChemmahAgnès Cluzel, Jean Claude Cluzel, Saskia Cousin, Sylvie DelsartClaudie Gillot-Dumoutier (ancienne Maire adjointe et ancienne Conseillère générale), Claude Gloislot, Micheline Goislot, Moussa Keita (ancien délégué des habitants du 76), Sekou Keita (délégué des résidents expulsés), Catherine Kernoa, Vassiriki Koné (délégué des résidents expulsés), Jean Yves Leroy, Mohamed Merakchi (syndicaliste), Jérémie OlerClaire Zuber, Corentine Zankpe-Yovo
Source : Mediapart
Tag(s) : #actualités
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