Faudra-t-il déclencher un nouveau mouvement à la Kasba?

La question de la transition vers la démocratie en Tunisie se pose avec insistance dans cette période troublée. Quel chemin devrions-nous suivre pour achever ce processus ? Des exemples comme le Portugal ou l'Espagne peuvent nous éclairer quant à son issue. Il en ressort que le rôle des élites « Pivot », au pouvoir est déterminant, quelles décisions cette élite doit-elle adopter pour assurer la pérennité du choix démocratique ? La nationalisation des biens de l'ancienne équipe au pouvoir constitue une mesure déterminante dans cet objectif. Par ailleurs, Il serait impératif que se constitue un front démocratique qui jouerait un rôle  de stabilisation dans une alliance avec les forces armées. L'Etat doit aussi reprendre son rôle moteur dans l'économie et articuler son intervention autour de deux axes, une politique de dépenses publiques et l'annulation de la dette extérieure.

 

La révolution tunisienne, par la vitesse de sa propagation, son caractère non violent (du moins de la part des révoltés) constitue un cas inédit dans l'histoire politique contemporaine. Son interprétation  suscite déjà de nombreuses controverses ; s'agit-il d'une authentique révolution, ou bien seulement d'un coup d'état au sein de l'appareil sécuritaire d'un pouvoir en déliquescence? Quelle en sera l'issue, débouchera -t-elle sur une république démocratique pérenne ou bien n'est-ce qu'un feu de paille révolutionnaire qui sera vite éteint par la vigueur d'une reprise en main militaire ?

Quelle que soit l'interprétation que l'on pourrait donner aux évènements que nous avons vécu jusqu'au 14 janvier, Il serait intéressant de s'interroger sur le meilleur moyen de conduire la Tunisie à bon port, à savoir les rivages d'une démocratie solidement ancrée et à l'abri des tumultes qui secouent, hélas, le pays à l'heure actuelle et qui ne sont pas des moindres : effondrement d'une partie de l'appareil sécuritaire, ralentissement de l'activité économique, explosion des revendications sociales émiettement du paysage politique,  émergence de mouvements politiques s'inspirant d'idéologies extrémistes tant à droite qu'à gauche du spectre politique sans parler des flux incontrôlés de populations que le pays a tant de mal à contenir en raison de la guerre qui sévit à nos frontières.

L'inventaire de ces facteurs est de nature à nous plonger dans le désarroi et à nous pousser au découragement. Il nous amène à nous interroger sur les chances de succès de cette période transitoire, car la littérature politique abonde d'auteurs tels Terry Karl qui pensent, à l'instar de notre ancien premier ministre Mohamed Ghannouchi, qu'il n'existe pas de régime démocratique stable qui soit né d'une transition où l'ancienne élite politique ait perdu le pouvoir même momentanément au profit de mouvements populaires ou d'acteurs de masse à supposer bien entendu que Mohamed Ghanouchi avait réellement à cœur de réaliser une transition démocratique.

De même, les discussions qui portent sur les syndicats insistent sur la nécessité de s'assurer de leur docilité et d'un sens de la modération de leur part afin que les phases de transition soient couronnées de succès tel que le suggère Adam Przeworski.

La Tunisie peut-elle donc s'accommoder d'un niveau de violence et de revendication aussi élevé, ou bien faut-il que les acteurs politiques de tous bords renoncent momentanément à leurs revendications aussi légitimes soient-elles, et acceptent de composer avec  les symboles de l'ancien régime considérant cela comme un  passage obligé pour les états dictatoriaux qui souhaitent se convertir à la démocratie ? Et si cela était le cas, quel chemin devrions-nous suivre, quelles précautions devrions-nous prendre pour achever la transition vers la démocratie ?

La réponse à ces questions qui taraudent plus d'un Tunisien trouve des éléments de réponse dans l'analyse fournie par Nancy Bermeo l'auteur d'un article intitulé le mythe de la modération, confrontation et conflits pendant les transitions démocratiques[1]. Dans cet article, l'auteur passe en revue l'ensemble des révolutions qui ont connu des phases transitoires similaires à la nôtre et dont l'issue fut positive. Elle nous offre un cadre conceptuel à même de nous permettre d'analyser la réalité complexe et inédite dans laquelle nous nous trouvons.

 

La première question qui nous vient à l'esprit est la suivante : est-ce que le niveau de violence que nous vivons aujourd'hui avec son cortège de constructions anarchiques, de grèves, de manifestations et contre-manifestations, de couvre feus, de purges au sein de l‘appareil de sécurité, de fermetures d'usines, de criminalité rampante est normal ou bien est-ce de nature à porter préjudice au processus démocratique ? L'examen du cas du Portugal et de l'Espagne tant de fois cités par l'ancien premier ministre Mohamed Ghanouchi comme parangon de transition pacifique démocratique pourra nous éclairer :

Le cas portugais est intéressant à plus d'un titre, car selon Bermeo, il invalide tous les critères de modération connus: les organisations syndicales étaient loin d'être dociles, les droits de propriété privée capitaliste ont été violés à grande échelle. Les classes laborieuses portugaises ont procédé à la plus grande saisie de propriétés foncières depuis la révolution bolchévique (23% des propriétés agricoles confisquées en moins de 12 mois). Quant aux entreprises industrielles, elles connurent pour 940 d'entre elles une occupation de la part de leurs ouvriers. Plus de 2000 maisons furent confisquées dans les 15 jours qui ont suivi la chute de la dictature en 1974 et plus de 2000 appartements furent occupés rien qu'à Lisbonne. De plus, le gouvernement a non seulement légitimé ces expropriations mais il a procédé à une nationalisation massive des banques, des assurances et des industries de base... .Au même moment, le pays connut une modification de ses frontières puisqu'il a perdu la plupart de ses colonies : l'Angola, la Guinée, le Mozambique, Sao tome et principe, et les Caps verts, des millions de Dollars de propriété furent irrémédiablement perdus et plus de 800 000 réfugiés affluèrent au pays.

Au même moment, l'armée connut un bouleversement majeur dans sa hiérarchie de commandement. Ce ne fut pas sans conséquence, puisqu'il fut même question d'une remise en cause des alliances anciennement nouées tels que l'appartenance à l'Alliance atlantique au point que Kissinger avait imaginé une opération secrète contre l'armée portugaise et le Portugal a été placé en dehors du conseil de la planification nucléaire de l'OTAN.

Concernant l'Espagne, le pays n'a pas connu de confiscation massive ni une remise en question du droit de propriété privée mais a plutôt connu une mobilisation ouvrière et des grèves d'une intensité inégalée. Ainsi, plus de 3,6 millions d'ouvriers ont participé à des grèves massives et les violences politiques étaient d'un tout autre calibre. L'ETA a été la source d'une violence quasi permanente et a menacé l'intégrité territoriale de l'Espagne. Le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol ne fut pas en reste puisque dans sa charte figurait l'intention de transformer l'économie en favorisant la propriété collective et a prôné le principe diplomatique de la neutralité active, de nature à remettre en question l'appartenance à l'Alliance atlantique.

Ceci pour illustrer le degré de modération et de civilité du peuple tunisien par rapport à des peuples considérés comme des exemples de modération.

En tout état de cause le niveau de violence et des revendications sociales n'a pas perturbé le cours de la transition démocratique en Espagne et au Portugal et ne perturbera sans doute pas la transition démocratique en Tunisie. Il semblerait que dans beaucoup de cas les transitions démocratiques se réalisent dans des contextes empreints de violence et de revendications populaires qui mettent à mal et menacent les intérêts de ceux-là même qui conduisent le processus de transition. Pour quelle raison ces derniers acceptent-ils de jouer le jeu de la démocratie et quel est le niveau maximal de revendications au-delà duquel le processus est menacé?

Bermeo s'interroge sur les raisons qui poussent une élite politique à accepter de jouer le jeu de la démocratie au moment même où l'intensité de la contestation augmente (que l'on se rappelle Kasba1, et 2 qui ont vu la sortie des ministres du RCD, sa dissolution et la constitution du conseil de défense des acquis de la révolution).

La réponse se trouve dans le calcul du risque  porté par les extrémistes et la manière dont il est perçu par  « l'élite-pivot » ; celle qui est dans le pouvoir de transition et qui peut interrompre le processus démocratique et revenir à une pratique ancienne.

Les deux éléments essentiels que l'élite-pivot tient en considération sont le coût de tolérance et le coût de suppression associés à l'extrémisme politique et social. Il en ressort que la probabilité de l'avènement d'une démocratie augmente à mesure que le coût de tolérance à l'égard des mouvements extrémistes  baisse (le coût de tolérance représente les pertes d'avantages liés à l'arrivée au pouvoir des extrémistes) et que le coût de suppression des processus de transition démocratique augmente (le coût de suppression représente le coût pour la société d'interruption d'un processus démocratique et les conséquences qui pourraient s'en suivre sur le plan économique) autant dire que le coût de suppression est toujours perçu comme étant bas dans les pays riches en matières premières puisqu'il est toujours possible de se refaire économiquement même après une guerre civile (cas de l'Algérie et de la Libye) la démocratie dans des pays semblables n'est donc jamais un choix naturel chez les anciennes élites politiques.

A contrario, en Tunisie les coûts de suppression risquent d'être très élevés. Il faudrait donc comprendre comment les élites-pivot calculent le risque pour prévoir leur comportement à l'égard de la transition démocratique et des évènements susceptibles d'en modifier la trajectoire.

Bermeo identifie trois perceptions de l'extrémisme qui sont susceptibles de provoquer trois types de comportement de la part des élites-pivot. Ces trois perceptions ne dépendent pas tant de la présence de l'extrémisme que de l'effet de l'extrémisme sur les élites-pivots

Le premier comportement est celui où l'extrémisme est perçu comme ayant un effet puissant dévastateur et globalement pernicieux avec comme conséquence  la fin  des privilèges associés à leur position de pouvoir.  Auquel cas la démocratie sera considérée comme dangereuse et sera violemment rejetée (ce fut le cas lors des évènements de la place Tien An Men en Chine et c'est le cas actuellement en Libye, au Bahrein, et probablement en Syrie).

Le second est celui où l'élite-pivot fait le pari que l'extrémisme ne remportera pas les élections à la phase de transition démocratique et à ce moment-là deux scénarios émergent :

Le premier est celui où les élites-pivot ont été incapables de contrôler la situation et ne sont pas prêtes à payer les coûts institutionnels d'un chaos politique. Ils projettent que des élections démocratiques seront gagnées par des éléments non extrémistes et que cette situation est moins risquée que le statuquo. Ce cas est appelé scénario de fuite.

Le second cas est celui où les élites-pivot jouent le jeu en dépit des menaces formulées par les extrémistes en raison du fait qu'ils prédisent une issue victorieuse dans le processus électoral. Ils voient la démocratie comme un moyen de s'octroyer une nouvelle légitimité. Auquel cas, les élites-pivot continuent de gouverner avec les éléments de l'ancienne dictature débarrassés de la vieille garde. L'élite-pivot sera constituée dans ce cas d'une alliance entre des politiciens civils et d'officiers militaires. Cette solution légitimiste porte deux variantes une révolutionnaire (si les élites pivot ne font pas partie de l'ancienne élite) et une rénovatrice (celle qui compte un nombre important d'anciens hiérarques du régime).

L'élite-pivot tunisienne a connu au cours des trois derniers mois une évolution substantielle sous la pression des « extrémistes et des mouvements populaires » qui l'ont poussée à réviser ses choix stratégiques. Elle est passée d'un scénario légitimiste rénovateur incarné par le premier gouvernement Ghannouchi qui comptait 8 ministres de l'ancien régime, et qui a plié sous Kasba 1 à un scénario légitimiste révolutionnaire avec des ministres technocrates (dont beaucoup sont partie liée avec l'ancien régime), des personnalités indépendantes et un nouveau premier ministre d'apparence indépendant.

Il est indubitable que le comportement des élites-pivot dépendra de la suite des évènements et des contraintes imposées par la mobilisation populaire et la société civile

 

 Quel plan adopter ?

Quelle stratégie donc la société civile et les acteurs politiques et sociaux devraient adopter pour forcer l'élite-pivot actuelle à adopter un scénario de fuite et à considérer le choix démocratique comme irrémédiable et quelle décision cette élite-pivot doit-elle adopter pour assurer à la démocratie naissante une base économique et sociale solide seule à même de lui garantir une pérennité ?

Pour le savoir il faudrait d'abord en déterminer la composition afin de mettre en lumière les zones de préhension, et les failles en son sein afin d'offrir à la société civile un levier d'action à même d'influer sur les évènements.

Sur le plan politique

Il ressort à première vue que l'élite Pivot actuellement au pouvoir compte deux composantes apparentes et une composante occulte. La première composante apparente est l'armée et les restes de l'appareil sécuritaire de l'ancien régime dictatorial mis sous la tutelle de l'armée. Celle-ci a joué un rôle positif au cours des évènements qui ont mené à la révolution du 14 janvier et jouit d'un capital confiance au sein de la population qui lui permettrait de jouer le rôle d'arbitre en cas d'échec du processus démocratique, la seconde composante est celle représentée par les technocrates plus ou moins autoproclamés et hérités du second gouvernement Ghannouchi et les membres civils du gouvernement qui gèrent l'état pendant cette phase de transition. La troisième composante est celle qui fait le lien entre les deux premières et qui redoute l'issue du processus démocratique. Cette composante occulte est constituée de la partie de la famille de Ben Ali apparentée à sa première épouse; essentiellement de ses filles, de ses gendres, de leurs proches et de leurs associés ainsi que de certains membres de la famille Ben Ali qui furent écartés par la seconde épouse du dictateur et qui continuent néanmoins de jouer un grand rôle politique auprès du gouvernement actuel.

Il serait illusoire de croire que l'on pourrait parvenir à une issue démocratique sans mettre cette composante hors d'état de « nuire ». Cela ne signifie pas qu'il faudrait attenter à leur vie ou à leur intégrité physique car cela aurait des conséquences néfastes sur le processus démocratique, leur traitement carcéral pourrait même être matière à discussion, mais plutôt les mettre hors d'état d'agir en neutralisant leur moyen d'action principal à savoir leur capital. Cela pousserait leurs associés étrangers et les alliances internationales qu'ils ont nouées tout au long des 23 ans du règne de l'ancien dictateur à rechercher à leur tour une alternative et, par là même, à limiter leur champ d'action au moins jusqu'à la transition démocratique.

Il faudrait tout simplement exproprier et nationaliser tous leurs biens, propriétés et entreprises, je dis bien nationaliser et non geler ou réquisitionner car la réquisition ne concerne pas la cession de la propriété. Elle est limitée à l'utilisation forcée de la propriété d'autrui. Le gel en revanche peut cesser lorsque le processus de dégel est entamé. Cela procurerait d'abord à l'état un outil industriel et commercial de premier plan nécessaire à la conduite de sa politique industrielle et dans des secteurs stratégiques : télécommunication, agroalimentaire, transport aérien, immobilier, industrie automobile, chimie, distribution, matériaux de construction et en second lieu limiterait leur intervention dans le processus électoral et obligerait les composantes visibles à rechercher des alliances dans le secteur du capital tunisien qui a tout à gagner de leur disparition du paysage économique. (Cela va sans dire si leurs biens venaient à être privatisés de nouveau en totalité ou en partie) et donc à soutenir la transition vers la démocratie.

Une fois la composante occulte mise hors d'état de nuire, il est aisé d'imaginer la suite des évènements pour la seconde composante visible de l'élite pivot actuelle, composée de ministres qui sont partie liée avec eux. Enfin, il restera à l'unique composante solide de l'actuelle élite-pivot à savoir l'institution militaire à composer une nouvelle alliance.

Il faudrait que la société civile et les mouvements populaires constituent  un front démocratique qui compte en son sein aussi des acteurs du capital tunisien non impliqués dans les crimes de l'ancien régime. Cette nouvelle coalition constituerait une nouvelle élite-pivot alliée à l'institution militaire et jouerait un rôle de stabilisation  Ce n'est qu'à cette condition que la transition démocratique préserverait ses chances car elle s'appuierait sur un socle exclusivement tunisien avec une base populaire large et à l'abri de l'aventurisme social et religieux, sans pour autant remettre en question les alliances militaires de la Tunisie au moment où le pays a besoin d'appui international, principalement de la part des Etats Unis d'Amérique.

Sur le plan économique

Bien qu'en apparence hétéroclite et aux intérêts contradictoires, cette nouvelle alliance pourrait trouver un terrain d'entente si l'Etat reprenait son rôle moteur dans l'économie en redistribuant capital et emplois  par une politique de relance économique d'inspiration post-Keynésienne et Schumpetérienne à la fois fondée sur les dépenses publiques, la reconquête du marché intérieur et le soutien à l'innovation seuls à même de créer des emplois pour les cols bleus et les cols blancs tout en préservant la compétitivité des entreprises tunisiennes dans une économie ouverte.

Ceci passerait par la multiplication d'initiatives de partenariat Public-privé, la création de pôles de compétitivité économique où les centres de recherche côtoient les unités de production industrielle dans les régions semi-périphériques et le lancement de grands travaux d'infrastructures centrés sur les énergies renouvelables et les chemins de fer fortement consommateurs de main d'œuvre.

L'état pourrait aussi mettre en place des fonds d'investissement publics pour impulser le mouvement d'investissement et constituer des holdings de participation stratégique pour protéger les secteurs clés de l'économie et pourrait même octroyer des titres de participation à titre gratuit à des trusts de l'institution militaire.

Or l'état actuel des finances publiques ne le permettrait pas. L'endettement extérieur de la Tunisie et le déficit structurel de la balance courante  agissent comme une taxe sur l'investissement. Les économistes post-Keynesiens, Mac Combie et Thirlwall, ont mis en lumière depuis 1982 l'effet de contrainte que la balance courante exerçait sur la croissance économique d'un pays. En d'autres termes, nous ne pouvons avoir que la croissance que notre dette et notre commerce extérieurs  nous autorisent d'avoir. Par ailleurs, le très faible niveau de l'épargne nationale conjugué au déficit budgétaire de la Tunisie interdit toute alternative de financement nationale, car y recourir signifierait un écart aux principes d'orthodoxie monétaire qui conduirait à l'hyperinflation, destructrice des fondements mêmes de la démocratie, à savoir la confiance des citoyens dans l'Etat.

Il existe en revanche une solution pour sortir de l'impasse, celle d'annuler tout simplement la dette extérieure de la Tunisie. Est-ce faisable ? Oui bien sûr, l'Argentine l'a fait avec succès et a enregistré une croissance de 6% par an depuis lors, l'Islande aussi a refusé d'honorer ses engagements bancaires. Le faire est d'autant plus légitime qu'Il est par ailleurs très aisé de prouver que la dette a été remboursée dans son intégralité si l'on calcule son remboursement en dinars à parité de change constante (depuis 1990) avec les principales devises de référence qui constituent le panier monétaire sur lequel s'adosse le Dinar.

La Tunisie n'a jamais été démocratique et les gouvernements corrompus qui se sont succédé durant la période précédente n'ont jamais servi les intérêts de la Tunisie, ni été responsables devant son peuple. La politique de glissement permanent du taux de change, censée préserver la compétitivité de l'économie n'est qu'un expédient conjoncturel qui ne peut tenir lieu de politique monétaire. Cela n'a en fait servi qu'à dévaloriser artificiellement le Dinar et à creuser  l'endettement extérieur du pays sans pour autant redresser les comptes courants, le déficit commercial  ou la part de marché relative. Elle fût destructrice de valeur à plus d'un titre car les investisseurs anticipaient une dévalorisation de leurs dividendes futurs et donc du taux de rendement de leur investissement ce qui les a conduit à demander des taux de retours extrêmement élevés et à favoriser la spéculation au détriment de l'investissement à long terme.

D'aucuns avanceront des contre arguments techniques tels que la sanction du marché, les taux d'intérêts sur les futurs emprunts ou bien la note souveraine de la Tunisie. Or la réponse n'est pas technique mais politique et judiciaire. Si M. Ghannouchi qui fut aux commandes de la politique économique de la Tunisie voulait bien nous éclairer sur ses choix et les raisons du maintien d'une stratégie dont on mesure les conséquences néfastes aujourd'hui, il nous serait possible de savoir si cette politique nous était imposée par la contrainte ou bien si elle était le fruit de son libre choix. Car, si elle le fut par la contrainte ou bien si un lien de causalité est établi entre la dette et les crimes de l'ancien dictateur l'argument en faveur de son annulation se déplace sur le terrain judiciaire. De plus, la situation politique en Libye et les récents évènements de Lampedusa laissent une marge de manœuvre substantielle à tout politicien de bonne volonté.

Faudra -t-il déclencher un nouveau mouvement à la Kasba?

 

Tarak AFIF

 

Nancy Bermeo   « Comparative Politics, Vol. 29, No. 3, Transitions to Democracy: A Special Issue in Memory of Dankwart A. Rustow (Apr., 1997), pp. 305-322 »  « Myths of Moderation Confrontation and Conflict during Democratic Transitions* »

Terry L. Karl -Modes of Transition in Latin America, Southern and Eastern EuropeDartmouth Press, in "Transitions to Democracy: Comparative Perspectives from Southern Europe", 1995

McCombie, J.S.L. and Thirlwall, A.P. (1994), Economic Growth and the Balance of Payments Constraint (London: Macmillan).

McCombie, J.S.L. and Thirlwall, A.P. (2004), Essays on Balance of Payments Constrained Growth: Theory and Evidence (London: Routledge).

Thirlwall, A.P. (1979), The Balance of Payments Constraint as an Explanation of International Growth Rate Differences, Banca Nazionale del Lavoro Quarterly Review, March.

Thirlwall, A.P. and M. Nureldin Hussain (1982), The Balance of Payments Constraint, Capital Flows and Growth Rate Differences Between Developing Countries, Oxford Economic Papers, November.


[1]« Comparative Politics, Vol. 29, No. 3, Transitions to Democracy: A Special Issue in Memory of Dankwart A. Rustow (Apr., 1997), pp. 305-322 » « Myths of Moderation Confrontation and Conflict during Democratic Transitions* »

 

Source : MEDIAPART

Tag(s) : #Monde arabe - Israël
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