6a00d8341d1d7953ef00e54f6a7fed8833-500wiEn Tunisie, le syndicat UGTT devient l'acteur politique principal 

 

 

 

Tunis, de notre envoyé spécial

 

 


«Aujourd'hui, on reste calme, bien en place, on ne frappe personne, c'est compris ?» Sanglé dans un uniforme bien repassé, le capitaine de police passe ses troupes en revue, et transmet la consigne. Mardi à Tunis, la police dispersait les manifestants avec des tirs tendus de grenades lacrymogènes et un usage intensif des matraques. Mercredi, c'est donc «le calme».

 

 

Alors, peu à peu, des centaines de manifestants se pressent sur le terre-plein central de l'avenue Bourguiba, dans le centre-ville. Leur nombre grandit d'heure en heure, tous scandent des slogans hostiles au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de l'ancien président Ben Ali. Le RCD a conservé les quatre ministères clés du gouvernement provisoire formé lundi. Certains manifestants brandissent des photos des ministres RCD affublés de croix gammées : «Fascistes, terroristes ! Dégage !».

Au sein de la foule, plusieurs jeunes se relaient avec un mégaphone fourni par l'UGTT, l'Union générale  tunisienne du travail, la centrale syndicale fondée en 1946. C'est, de fait, la seule organisation politique représentée en tant que telle et tolérée parmi les manifestants, qui s'agrègent de manière spontanée jusqu'à la nuit tombée.

Selon une annonce faite mercredi matin par le ministre du développement rural, le premier conseil des ministres doit se tenir jeudi. Mais le gouvernement paraît déjà condamné par la démission, mardi, de plusieurs ministres de l'opposition, dont trois affiliés à l'UGTT, qui réclame, comme les manifestants, le retrait du RCD. Le parti de Ben Ali semble en bout de course. L'UGTT, elle, apparaît plus que jamais comme la seule force politique incontournable.

«L'opposition est très faible; aujourd'hui, ce qui compte, c'est l'UGTT, et l'armée», juge Hassan, un manifestant pourtant sympathisant du parti démocrate progressiste (PDP, opposition légale). Lundi, avant la démission des trois ministres affiliés à l'UGTT, pas moins de six membres du gouvernement faisaient ou avaient fait partie de la direction de la centrale syndicale, qui est aussi représentée à l'Assemblée et au Sénat.

Implantée dans chaque région, la centrale revendique 500.000 adhérents, principalement dans le secteur public. C'est une force politique sans équivalent aujourd'hui en Tunisie, sur laquelle l'opposition politique légale tente de se greffer. Toute la journée de mercredi, le Forum démocratique pour le travail et les libertés et Ettajdid, les deux organisations d'opposition également en dehors du gouvernement, ont discuté avec la direction de l'UGTT pour unifier leur position. 

Beaucoup de Tunisiens souhaitent désormais voir l'UGTT jouer un rôle politique plus important, à la mesure de sa participation au mouvement révolutionnaire. Déléguée syndicale de la branche des médecins hospitaliers, Ahlem Belhal a commencé à militer dans l'UGTT en 1987. Également militante et ancienne présidente de l'association tunisienne des femmes démocrates, elle se souvient du tournant de 2009, quand son syndicat a peu à peu pris la mesure du mouvement de Gafsa, dans le sud du pays, pour faire évoluer la ligne de l'organisation après la réélection de Ben Ali fin 2009.

« Les mouvements sociaux étaient très forts, explique-t-elle. l'exécutif de l'UGTT a été obligé de suivre ses militants, qui étaient massivement investis dans ces mouvements. Aujourd'hui, l'UGTT doit être le garant du changement, politique, économique et social. Il n'en existe pas d'autres, l'organisation doit donc assumer un rôle politique important. L'UGTT, c'est notre garde-fou social.»

Les trois ministres affiliés à l'UGTT qui ont démissionné mardi du gouvernement, sont issus de la gauche tunisienne. Économiste reconnu en Tunisie, inlassable critique du régime, Abdeljedid Bédoui, promu lundi pour occuper un obscur portefeuille de «ministre auprès du premier ministre» selon le communiqué offciel, est par exemple une figure de la gauche altermondialiste locale, très loin de la politique de privatisation engagée depuis 2000.

 

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Tag(s) : #actualités
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