L'objection de conscience prend l'ampleur en Turquie
Par Maxime Azadi 

 


Plus de deux cent personnes, dont des dizaines de femmes, ont déclaré publiquement leur objection de conscience au cours de l'année 2010 en Turquie. Ces jeunes, kurdes pour la plupart, ne veulent pas rejoindre l'armée turque pour faire la guerre contre la guérilla kurde malgré les risques de torture et d'emprisonnement.


Dans le cadre d'une campagne lancé par le mouvement kurde de l'objection de conscience, au moins 212 personnes, dont 22 femmes, ont déclaré leur objection de conscience depuis début de l'année 2010. De plus en plus de jeunes kurdes refusent de rejoindre l'armée turque ; les 178 personnes déclarant leur refus depuis 13 septembre est la preuve de l'expansion de ce mouvement malgré les risques d'emprisonnement.



Dix sept jeunes à Diyarbakir, ville kurde, et vingt cinq autres à Istanbul, métropole turc, ont déclaré le 26 décembre leur refus sous le slogan « Nous ne rejoindrons pas l'armée et ne commettront pas les crimes de l'humanité. »


La Turquie mène une « salle guerre » depuis près de 30 ans contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), 29e résurrection kurde ressurgie en un siècle. Plus de 17 mille "faili meçhul" (les meurtres politiques non élucidés) perpétrés depuis 1991 dont 98 en 2009, plus de 4 mille villages brûlés ou détruits par l'armée, au moins 416 enfants kurdes tué ( 13 enfants en 2010) par les forces de l'ordre ou des explosifs militaires, selon les organisations des droits de l'homme. Mais aussi une énorme immigration forcée, des lynchages racistes quotidiens, des arrestations arbitraires, la torture, l'emprisonnement, l'interdiction de la langue maternelle...


APPEL AU BOYCOTT DE L'ARMEE TURQUE


« Aujourd'hui ils veulent nous donner des armes pour envoyer à la guerre contre notre peuple. Nous avons beaucoup de raisons pour refuser cette guerre, mais aucune raison pour rejoindre l'armée. Nous boycottons l'armée turque qui est le responsable principal de la politique de négation et de destruction de l'Etat et des massacres » a déclaré Omer Karabal au nom des objecteurs de conscience à Diyarbakir.


A Istanbul, les jeunes refusant de faire partie de cette guerre ont appelé au boycott de l'armée turque.


Au moins 86 jeunes ont déclaré leur objection de conscience entre 1989 et 2009, selon le mouvement kurde de l'objection de conscience et cela montre que le nombre des objecteurs de conscience a triplé en 2010.


La Turquie et l'Azerbaïdjan sont les deux seuls pays membres du Conseil de l'Europe à ne pas reconnaître le droit à l'objection de conscience. En Turquie, le service militaire est obligatoire pour tous les citoyens de sexe masculin âgés de vingt à quarante et un an. Il n'existe aucun service civil de remplacement et les objecteurs de conscience continuent d'être l'objet de poursuites judiciaires de manière répétée. Souvent, ils sont emprisonnés chaque fois qu'ils refusent d'accomplir leur service militaire et, à leur libération, ils reçoivent un nouvel ordre d'incorporation.


POURSUITE CONTRE 590 JEUNES ENTRE 1989 ET 2008


Selon le ministre turc de la justice Sadullah Ergin, qui a répondu à la motion d'une députée kurde du BDP, le principal parti kurde, sur la situation des objecteurs de conscience, 590 personnes ont été l'objet de poursuite pour avoir « détourné la population du service militaire » et 140 personnes ont été incarcérés pour ces motifs entre 1989 et 2008. Le ministre a expliqué que les statistiques 2009 et 2010 n'ont pas été collectées.


MORTS SUSPECTES DES SOLDATS D'ORIGINE KURDE


Par ailleurs, les morts suspectes des soldats d'origine kurde se sont multipliées ces dernières années en Turquie. Au moins cinq soldats ont trouvé la mort depuis début décembre dans des circonstances suspectes pendant leur service militaire au rang de l'armée turque, selon l'agence de presse kurde Firat News.


401 soldats sont morts en 20 ans, dont au moins 30 en 2009, rapporte IHD, l'association des droits de l'homme dans son rapport présenté en juin dernier. Il n'existe pas de rapport complet sur le nombre des morts suspectes de soldats en 2010. La Turquie est la championne du monde de morts suspectes des soldats, souligne IHD.


Par Maxime Demiralp

Source : Mediapart

Tag(s) : #actualités
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