Vivre un an sans huile de palme, un défi moderne

 

Alors qu’en cette période de fêtes, les placards se remplissent de papillotes chocolatées, biscuits variés et autres pâtes feuilletées, lui, fait la chasse à ces douceurs toutes préparées. Adrien Gontier a choisi de vivre sans huile de palme pendant un an. Depuis le 3 juillet, cet étudiant strasbourgeois de 25 ans ne consomme plus aucun produit contenant cette huile d’origine végétale, responsable d’une déforestation qui ravage l'Asie du sud-est.

  La tâche n’est pas aisée. Car cette matière grasse très peu chère se cache dans la moitié des produits vendus en supermarché : dans les rayonnages d'alimentaire, bien sûr, mais aussi au fond d’une large partie des cosmétiques et des produits d’entretien. Tout y passe : les gâteaux, plats préparés, surgelés, soupes en sachet, bouillons de légumes, de même que les shampoings, gels douche, déodorants ou mousses à raser.

Et notre consommation n’est pas près d’être limitée tant la production de cette huile ne cesse d’augmenter au fil des années. L'exploitation très rentable des palmiers à huile attire en effet les agro-investisseurs en masse. Des milliers d’hectares de forêt primaire partent alors en fumée, notamment en Malaisie, en Indonésie, à Bornéo ou à Sumatra, remplacés par des monocultures de palmeraies, aux conséquences sociales et environnementales dramatiques : la biodiversité en ressort ainsi altérée, les moyens de subsistance et les revenus des populations locales amoindris et les émissions de gaz à effet de serre augmentées.

C’est en regardant un reportage télévisé, montrant l’étendue du désastre, qu’Adrien Gontier a eu envie d’agir. "Je me suis dit que ce serait une bonne façon de faire un geste pour l’environnement mais aussi de mieux connaître l’origine des aliments et surtout m’interroger sur ma consommation", raconte le jeune homme. Adrien n’est pas parti de zéro : inscrit dans une Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), il avait déjà pour habitude de limiter sa consommation de produits transformés et de prêter attention à l’origine de ses achats. Une sorte d’échauffement, en somme.

Aujourd’hui, Adrien est passé au stade supérieur dans ce qui ressemble à un parcours du combattant quotidien. Pour chaque repas, l’étudiant, en thèse de géochimie, prépare ses plats lui-même, "à partir de produits bruts et simples, souvent bio, issus de l’Amap et de producteurs locaux". "Comme mon alimentation n’a pas trop changé, je n’ai pas l’impression de me priver", assure-t-il. Pas de disette non plus du côté financier : après avoir sorti la calculette, le Strasbourgeois déclare dépenser 2,60 euros par repas en moyenne, soit le budget qu’il allouait à l’alimentation avant son expérience.

 

L’affaire se complique quelque peu avec les sorties. Les rares restaurants ou brasseries où il se rend doivent en effet être choisis avec minutie : "Je connais leurs gérants et sais que les plats sont préparés maison. Mais parfois, cela s'avère délicat." Par contre, là où l’expérience se corse vraiment, c’est lorsqu’il s’agit de choisir des cosmétiques et des produits d’entretien : "Tous les flacons vendus en supermarché contiennent de l’huile de palme. J’ai donc dû trouver des crèmes au beurre de karité, opter pour un rasoir électrique, et j’ai toujours un savon naturel, à base d’huile d’olive et de levure, sur moi, afin de l’utiliser dans les lieux publics à la place des 'pousse-mousse' traditionnels."

Au-delà des changements de modes de vie, l’expérience requiert un investissement de temps. Car la traque des molécules de l'huile de palme implique de savoir décrypter des étiquettes pour le moins alambiquées. Souvent présentée sous l’appellation "graisse végétale" ou "huile végétale", l'huile de palme est plus difficile à dénicher lorsqu’il s’agit de ses dérivés, contenus dans les additifs alimentaires (E 304, E 305, E 471) et dans les agents actifs des produits d’hygiène et d’entretien (laurylsulfate sodium, acide palmitique, laureth sulfate, glycéryl stéarate). "Ma tâche se complique avec le temps car je découvre constamment de nouveaux dérivés de l’huile de palme, regrette-t-il. Par ailleurs, j’ai récemment appris qu'on pouvait aussi la retrouver dans la nourriture des animaux, ce qui réduit encore l’éventail des produits que je peux consommer." Pour s’y retrouver, et informer ceux qui voudraient l'imiter, Adrien complète quotidiennement, sur son blog qui retrace son expérience, une liste de produits contenant de la palme et une liste de la myriade de noms sous lesquels elle se cache.

 

Alors, la chasse à l’huile de palme, une ascèse ? "Ce n’est pas facile tous les jours mais je mène l’expérience sous une forme extrême, reconnaît Adrien. Je sais maintenant que l’on peut supprimer la majorité de l’huile de palme, en lisant les étiquettes, limitant au maximum les produits transformés et utilisant du savon naturel."

A la fin de son expérience, en juillet 2012, Adrien compte conserver ses nouvelles habitudes, sans s’interdire toutefois d'utiliser un produit contenant quelques gouttes d’huile de palme. Et il se verrait bien s’attaquer à un autre morceau : les dérivés du soja, dont la culture accentue la déforestation en Amazonie.

 

Source : Le Monde, blog d'Audrey Garric

Audrey Garric

 

 


 

Tag(s) : #environnement
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