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Geoff Dyer, écrivain et critique d'art anglais, est encore assez peu connu dans l'hexagone, et c'est vraiment dommage. Ce nouveau roman, son quatrième, va très certainement lui permettre d'acquérir un plus large public vu l'originalité et la qualité de "Voir Venise, mourir à Varanasi".

L'auteur, né en 1958, est journaliste. Collaborateur au Guardian, The Independent ou encore au New York Times. Il est aussi, et cela se sent dans ce roman, critique d'art.


Dans ce roman bipolaire, l'auteur offre à son lecteur deux magnifiques immersions dans deux villes envoûtantes, Venise et Varanasi (Bénarès). Deux villes souvent sublimes qui possèdent bien des points communs, et où l'auteur de ces lignes a eu la chance de séjourner par le passé. Deux villes fascinantes où règnent la foule en multitude mouvante, et les eaux omniprésentes du Gange et du Grand Canal.

Dans la première partie de ce roman-diptyque, un journaliste, qui pourrait bien être l'auteur, est envoyé à Venise afin de couvrir la fameuse Biennale d'art contemporain. Il ne tardera pas à rencontrer une galeriste américaine, Laura. Certes s'il ne s'agissait que de cela, nous serions en droit d'entrevoir quelques clichés. Mais l'auteur en réalité va nous brosser un tableau  sans complaisance du petit microcosme de l'artificiel monde de l'art. Etrangement, bien avant d'arriver en Inde, sous nos yeux, apparaissent de vrais castes dans ce rendez-vous mondial des marchands d'art où les tendances et les réputations artistiques se font et se défont assez vite. Comme dans un roman de Breat Easton Ellis, la violence en moins, l'alcool et la coke coulent à flots, le sexe en prime et la vacuité partout.

Le roman avance vite et devient alors impossible à quitter,  avec un  humour qui sonne juste.

 

Changement de décor, la Sérénissime s'efface, la cité des morts se matérialise sous nos yeux. Cette fois un reporter  doit écrire un papier sur cette ville sacrée qui peut aussi être vue comme un des cœurs de l'Inde profonde.  Difficile de dire s'il s'agit encore de Jeff Altman, ou de son double ? Difficile de ne pas se laisser envahir par Varanasi, une ville-fleuve née sous le signe de la multitude, multitude de couleurs, de visages, de temples, de dieux...L'envoûtement alors ressentit n'est plus celui de la cité des Doges. Luxe et sexe sont loin, très loin, place à la misère envahissante, aux bûchers, et à l'extase spirituelle...

Existe une tentation de se laisser aller, de s'asseoir au bord du Gange, d'oublier la date de retour, et de basculer dans une autre vie, bien loin, très loin de la vie londonienne de ce reporter.

Ce roman au style limpide est parfois déroutant, ne serait-ce que par sa forme originale, au carrefour entre fiction, essai et récit de voyage. Même pour quelqu'un qui lit beaucoup, cette forme est rare, et donc précieuse, tant nombre de romans se ressemblent !

Au-delà de cette belle forme, Geoff Dyer nous permet une sorte de méditation sur l'existence. La solitude et le cheminement du temps, les options pour y faire face, le sexe et la dope, ou bien la spiritualité. Deux moyens de se perdre, deux villes pour se perdre, un beau roman où l'on se perd avec délectation et jouissance.

Et qui donne envie de lire les précédents, en attendant le prochain.

 

 

Dan 29000

 

Voir Venise, mourir à Varanasi

Geoff Dyer

traduit de l'anglais par Isabelle D. Philippe

Editions Denoël

2011 / 400 p / 23,50 euros

 

On pourra lire aussi de l'auteur :

Jazz impro, Joëlle Losfeld, et rééd en 10/18 en 2002

La couleur du souvenir, Joëlle Losfeld, et rééd. en 10/18 en 2000

 

Et pour découvrir le site de l'éditeur, c'est ICI

EXTRAIT / Page 265

"Le lendemain matin, il n'y avait rien à voir. Le fleuve, les ghâts, jusqu'au ciel, tout avait disparu. Un brouillard épais ensevelissait le monde, excepté quelques vagues détails : la forme nébuleuse du temple voisin, des silhouettes indistinctes qui se déplaçaient dans la rue en contrebas. Je m'habillai pour descendre aux ghâts ; j'entendais les gens tousser avant de les voir à deux pas de moi."

Aussi chez Denoël, nous vous conseillons, dans un registre très différent, un excellent premier roman de la rentrée 2010 :

 

IL VOUS FAUDRA NOUS TUER, de NATACHA BOUSSAA, lire notre article ICI

 

 

Tag(s) : #lectures
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