Nous poursuivons nos articles sur quelques premiers romans parus récemment en cette rentrée littéraire 2013. La littérature ne manque pas de romans sur la guerre, alors un de plus, au départ, cela n'est pas évident.

Pourtant dès les premières pages, le lecteur attentif va comprendre que l'histoire de ce casque bleu envoyé sur les lieux d'un conflit, peut-être en Bosnie, ne ressemble à rien de déjà vu.

Pierre Narval n'était pas là pour faire la guerre. Ce n'est jamais la mission des Casques bleus. Ils sécurisaient la zone, de manière neutre, afin d'effectuer une mission. Étrange mission il est vrai. Ramasser des cadavres. Presque dérisoire, même si elle est effroyable. Abattre tous les animaux égarés ou non, afin d'éviter des épidémies au milieu des ruines... Être impliqué dans l'action, mais sans y avoir participé...

Mais chaque guerre a toujours une fin.

Et après la guerre, là-bas, il s'agit pour le soldat de délaisser l'uniforme et les armes et de tenter de revivre dans une autre quotidienneté, celle de la non-guerre, ici. Pas vraiment facile. Il faut alors vivre avec les souvenirs, même au sein d'un bar-tabac, même au milieu d'une HLM. La vie se poursuit mais les images du passé ne passent pas.

Alors reviennent en mémoire les regards tristes des chiens errants qui sentaient venir la mort engendrée par la barbarie des hommes en guerre.

Alors il faut tenter de survivre, au jour le jour, prendre sa voiture, rouler, et encore rouler, jeter son téléphone mobile, et rouler encore, un peu étranger à ce que la route révèle. Être ici... En étant ailleurs, là-bas, où il fallait tuer des animaux abandonnés... Pierre Narval n'avait pas participé aux combats, pas tué d'humains, juste des animaux, mais cette étrange chasse n'était-elle pas aussi mortifère ?

Mais qui peut se soucier des souffrances et de la mort des animaux quand tombent les hommes ? Pourtant les unes et les autres existent. Et tout cela revient, après...

Il faut alors fuir, pour oublier ce monde barbare, se fuir, fuir les autres... Les ombres et les ruines demeurent dans le cerveau du personnage central.

Avec une intensité rare et une grande économie de moyens, Xavier Boissel nous offre de magnifiques descriptions, alternant avec brio, contemplation et brutalité, en une double narration entre hier et aujourd'hui. Un très haut niveau de littérature qui parfois peut faire songer à Julien Gracq. S'il est des vins longs en bouche, il est aussi des romans qui nous accompagnent longtemps après la fin de la lecture.

Autopsie des ombres est de ceux-là.

C'est rare.

 

Dan29000

 

Autopsie des ombres

Xavier Boissel

Éditions Inculte

164 p / 2013 / 15,90 euros

 

EXTRAIT :

 

"À cette heure avancée de la soirée, l’homme est accoudé au comptoir d’un bar-tabac devant un irish coffee. Il regarde son image dans le miroir posé derrière les bouteilles tandis que le propriétaire du café finit de rincer les verres des derniers clients dans l’évier, sans mot dire. L’éclairage est blafard. Presque en sourdine, on entend crépiter la voix d’un chanteur populaire d’un autre temps, ou peut-être même d’un autre espace. L’homme, plutôt jeune, aperçoit dans la glace le juke-box et le flipper, derrière lui, comme livrés à eux-mêmes, et les chaises retournées sur les tables. Au mur, une affiche dans un style rétro fait la promotion d’une boisson pétillante. Il contemple longtemps son reflet, un peu brouillé, quasiment flou et il se dit que c’est celui d’un fantôme – le deuil de son corps, en tout cas. Il est là sans être là, à la surface du monde, et c’est comme un mirage déplorable et macabre auquel il jette son regard. "

 

PRESSE :

 

« Autopsie des ombres est L’Odyssée miniature, dans les banlieues et la province de France, d’un soldat qui ne se remet pas des violences qu’il a vues ou commises en Bosnie.

»
Le Monde, août 2013

 

« Un premier roman saturnien qui dissèque la guerre au scalpel. (…) Boissel s’inspire d’une histoire vraie pour ausculter les entrailles de la guerre contemporaine. »


Les Inrockuptibles, août 2013

 

« Autopsie des ombres de Xavier Boissel est un excellent livre, très original, sur les simulacres de la guerre, à la fois contemplatif et dans l'actualité. »


France Culture, septembre 2013

 

 

Tag(s) : #lectures
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :