Karachi : «Sarkozy ne pouvait ignorer la création de la société Heine»

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 Le président, alors ministre du Budget, aurait-il validé un montage financier lié à des ventes d'armes au Pakistan ? Violette Lazard, journaliste au service investigation de «Libération» a répondu à vos questions.

 

LaGineste. Que peut-on exiger de Sarkozy en termes d'explications ?

Violette Lazard. Le juge peut exiger que Nicolas Sarkozy indique a minima s'il a donné son feu vert à la création de Heine, chargé de faire transiter les commissions. Et pourquoi il a autorisé la création d'une société au Luxembourg, procédure inhabituelle dans le versement des commissions, lors de signatures des contrats d'armements.

Hourraoupas. Quelles conséquences juridiques les déclarations de Ménayas peuvent-elles avoir ?
V. L. Elles peuvent conduire le juge Van Ruymbeke à interroger d'anciens membres du cabinet du ministre du Budget d'alors, Nicolas Sarkozy.

Boris2. Comment Libé s'y prend pour avoir accès à des documents de l'instruction – attention on ne veut pas connaître vos sources mais la méthode pour ne pas être poursuivi pour violation du secret de l'instruction?
V. L. Les journalistes ne sont pas soumis au secret de l'instruction. Nous ne pouvons évidemment pas vous en dire plus sur nos sources.

Martin. Est-ce que Libération n'est pas en train de faire de l'intox à quelques mois des élections? La gauche serait-elle en train d'ourdir un complot contre lui parce qu'elle n'est plus aussi sûre de gagner les élections?

V. L. Libération révèle simplement aujourd'hui un procès verbal, datant du 2 décembre, et dans lequel un haut fonctionnaire du ministère de la Défense indique que le chef d'Etat en exercice ne pouvait ignorer la création d'une société luxembourgeoise destinée au versement de commissions, soupçonnée aujourd'hui par la justice d'avoir donné lieu à des rétrocommissions – ces rétrocommissions ayant pu servir à financer la campagne d'Edouard Balladur.

Boris2. Quelles preuves matérielles a le juge dans cette affaire, car témoignages contre dénégations, ça ne résistera pas devant un tribunal?

V. L. L'absence d'un papier signé par Nicolas Sarkozy ne signifie pas sa non implication dans le dossier. Le fait que le ministère du Budget ait donné son accord à l'époque peut suffire à engager sa responsabilité.

Ed. Les rétrocommissions étaient illégales. N'est-ce pas plutôt l'arrêt des commissions qui est à l'origine des morts et non les commissions. D'où la responsabilité exclusive de Jacques Chirac ?
V. L. Il n'est pas avéré aujourd'hui que les commissions ont cessée d'être versées à l'arrivée de Jacques Chirac, en 1995. Les juges cherchent à savoir si un nouveau réseau d'intermédiaires n'a pas bénéficié par la suite de cette manne financière. C'est notamment l'une des pistes données par Ziad Takieddine, l'un des intermédiaires «employés» sous le gouvernement Balladur.

Camille. Une éventuelle implication de Sarkozy dans l'affaire de Karachi, si elle devait être mise au jour, pourrait-elle compromettre sa candidature à l'élection présidentielle?

V. L. Si elle est avérée par les juges d'instructions en charge du volet financier de l'affaire Karachi, il devra en effet s'en expliquer.

Octave. Quel est le lien entre l'attentat au Pakistan en 2002 et tout le scandale financier ?
V. L. L'une des pistes dans ce dossier (cf. rapport Nautilus) est la suivante: l'attentat de 2002 qui a causé la mort de 14 personnes, dont 11 Français employés par la Direction des constructions navales (DCN) pourrait résulter de l'arrêt des versements des commissions promis dans le cadre du contrat Agosta avec le Pakistan.

LaGineste. Balladur est étrangement silencieux depuis le début. Ne faudrait-il pas qu'il s'explique en tant que Premier ministre à l'époque des faits incriminés ?
V. L. Le juge peut décider d'entendre Edouard Balladur comme simple témoin dans les prochaines semaines. S'il décide de le poursuivre et s'il considère qu'il a commis un délit dans le cadre de ses fonctions de Premier ministre, il devra consulter la cour de Justice de la République, et éventuellement se désaisir d'une partie du dossier.

Boris2. Ce n'est pas la réponse à la question : pourquoi Balladur n'est-il pas interrogé ?
V. L. C'est au juge d'en décider. Le dossier de l'instruction montre que les juges interrogent d'abord des «exécutants» avant de chercher des réponses du côté des donneurs d'ordres. C'est une technique habituelle dans les affaires politico-financières. Le fait que de «potentiels responsables» de l'affaire Karachi n'aient pas encore été convoqués dans le bureau des magistrats n'est donc en soi pas étonnant.

 

Source : LIBERATION.FR

Tag(s) : #actualités
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