Le "No pasaran" des fonctionnaires grecs

LEMONDE


 

 

 


Athènes, correspondance - Un homme traverse, le visage en sang, torse nu, sur la place Syntagma, où se déroule mercredi 5 octobre la première grande manifestation en Grèce depuis l'été. Des personnes de tous âges interpellent et insultent les policiers anti-émeutes, qui commencent à recevoir des bouteilles d'eaux et des petits blocs de marbre, lancés par quelques dizaines de jeunes activistes. Un policier s'embrase, l'espace d'un instant, en recevant un cocktail molotov. Toute la foule applaudit. Les flammes sont très rapidement éteintes. Il n'est pas blessé.


Un groupe d'une vingtaine de MAT, l'équivalent des CRS grecs, se positionne devant l'Hôtel Grande-Bretagne, sans bouger et sans n'avoir rien d'autre à faire que de parer avec leurs boucliers les projectiles qu'ils reçoivent et de riposter à coups de grenades lacrymogènes.

 

INCIDENTS

En contrebas de la place, policiers et activistes se poursuivent et se battent. Au moins deux personnes sont blessées. Une journaliste de l'AFP est frappée au visage par un policier avec son bouclier, alors qu'elle photographie des membres des forces de l'ordre en train de frapper un homme à terre.

Comme d'habitude, ces incidents provoquent l'évacuation de la place et la fin de la manifestation qui était pacifique. Elle était composée principalement de fonctionnaires et de membres du secteur public qui protestaient contre les diminutions de salaires et de retraites, les privatisations et surtout le projet de placer des salariés du secteur public dans une "réserve de main d'œuvre", qui constituerait une forme de chômage technique.

Il y avait environ 20 000 manifestants à Athènes et 10 000 à Salonique, la deuxième ville du pays dans le Nord, selon la police. Les manifestants étaient en nombre moins importants que lors des mouvements de protestations de juin. Le syndicat des salariés du privé s'est associé à une manifestation organisée par le syndicat de la la fonction publique, l'Adedy. Les syndicats de public et du privé ont annoncé une autre grève générale la 19 octobre, qui devrait être plus importante.

"L'ETAT NOUS DOIT DE L'ARGENT"

"Non au chômage partiel, non aux licenciements, non à la misère" dit un slogan. "A bas la junte du Pasok", "Effacer la dette", "No pasaran", "que le gouvernement, la troïka et le Mémorandum s'en aillent". Une affiche montre la photo officielle du gouvernement bardée d'un : "Ils nous conduisent à la catastrophe".

Stavroula Kostopoulou manifeste sous les drapeaux de la compagnie d'eau (Eydap). "Nos effectifs ont diminué de moitié depuis 2003. L'Etat nous doit de l'argent. Nous ne voulons pas être vendus, explique cette quadragénaire. Si on confie l'eau à des entreprises privées, sa qualité s'en ressent. Regardez ce qui s'est passé à Paris. La mairie a repris en main elle-même ce secteur. Il s'est passé la même chose à Berlin."

Une banderole représente la silhouette d'un corps, tel qu'il est dessiné sur les lieux d'un crime. La victime s'appelle : "Education". Une autre affiche représente "le Cri" de Munch, qui hurle : "Ecoles sans livres, blocs opératoires sans pansements, addictions sans thérapie". Des mouvements sociaux ont lieu dans plusieurs écoles car le gouvernement n'a pas été en mesure de fournir les livres, qui ne devraient pas arriver dans les écoles avant Noël. Les hôpitaux, en pleine restructuration, manquent de moyens et sont encore plus désorganisés. Le secteur associatif qui prend en charge les personnes sous addiction ou souffrant de troubles mentaux voit ses subventions diminuer drastiquement. Interrogée pour savoir si c'est la Grèce est dans la position de l'homme qui crie, Eleni, une psychologue de 32 ans réfléchit et dit : "Non, pas encore, quand nous crierons vraiment, vous vous en rendrez compte".


Alain Salles

Tag(s) : #actualités
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