sur la planche

 

 

Cinq personnages pour ce premier film.

En fait un quatuor de jeunes femmes...et une ville.

Tanger aujourd'hui.

Ville d'histoire, ville littéraire, ville mythique où la ville est déjà une histoire !

 

Donc quatre femmes d'une vingtaine d'années.

Quatre femmes qui tentent de vivre, enfin survivre. Survivre, c'est à dire travailler, le jour, alors pour vivre, il ne reste que la nuit.

Portrait d'une ville, et c'est beau une ville la nuit, mais aussi le jour, avec cette sorte d'urgence qu'il y a dans ce port, avec sa zone franche, ses trafics innombrables, une ville très présente, ville interlope où il faut bien survivre pour nos quatre ouvrières. Deux sont dans le textile, deux dans les crevettes, les filles-crevettes, avec cette odeur persistante de l'usine où elles décortiquent à toute vitesse, payées à la tâche. Le genre de boulot où l'on se retrouve quand on s'est fait lourdé des autres. Mais travailler n'est pas vivre. Un magnifique jeu d'oppositions entre les deux versants de leurs vies diurnes et nocturnes, entre la blancheur agressive de l'usine de décorticage et les ombres sombres des nuits fiévreuses de leurs activités illégales.

 

Alors la petite bande, Badia, Asma, Nawal et Imane, est toujours en action, ici et là, toujours en mouvement, comme si le fait de s'arrêter, était synonyme de chute...On ressent dès le début du film, une urgence, une belle et forte urgence, devant et derrière la caméra de cette réalisatrice née à Casablanca, issue du journalisme. Pas besoin de lire sa biographie pour comprendre que Leïla Kilani est cinéphile, qu'elle connait le cinéma muet mais aussi les films noirs. Elle signe donc son premier long métrage de fiction, après trois documentaires durant les années 2000.

 

Avec un surprenant talent pour un premier film, qui n'est pas sans rappeler Cassavetes ou l'émouvant et cultissime "Wanda" de Barbara Loden qu'elle a d'ailleurs projeté à ses actrices sélectionnées parmi 320 filles vues à Tanger lors de la préparation du film. Leïla Kilani a réussi un grand film de rupture, rupture avec l'habituel panorama assez romantique de Tanger dans le cinéma et la littérature, mais aussi rupture avec l'habituelle description des femmes arabes, soumises. Ici nous sommes face à un superbe quatuor d'insoumises, un quatuor qui veut vivre, malgré l'exploitation éhontée produite par la mondialisation, vivre en se débrouillant, petits vols, trafics, reventes et même leurs relations avec des hommes, qu'elles ne peuvent pas nommer prostitution.


Dans cette course effrénée et un peu désespérée où ralentir n'est pas une option, le spectateur ne peut que ressentir une double surprise, d'abord sur le sujet, et mais aussi sur la manière de le traiter, qui n'est pas sans nous rappeler, à quelques décennies de là, la force de rupture du célèbre "A bout de souffle" de Godard.

 

Son film est sorti mercredi en France, après une belle tournée mondiale de neuf mois dans les plus grands Festivals en 2011 où il a déjà reçu plusieurs prix. Malgré son titre peu évocateur, c'est la très belle révélation de ce début d'année. Gageons qu'avec des critiques unanimes sur la force du film et sur les interprètes, il va trouver son public.

 

Une belle bouffée d'oxygène par une cinéaste qui va faire parler d'elle dans les prochaines années et qui nous a offert un film à l'unisson des printemps arabes où un vent de liberté souffle.

 

Ne manquez pas ce film.

 

Dan29000

 

Voir aussi le site EPICENTRE FILMS, aussi distributeur du film "Les nouveaux chiens de garde" dont nous vous parlions il y a quelques jours...

 

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SUR LA PLANCHE

Réalisation : Leïla Kilani

Scénario : Leïla Kilani et Abd-El Hafed Benotman

France / Maroc / Allemagne / 2011 / 1 h 46

Badia : Soufia Issami
Imane : Mouna Bahmad
Nawal : Nouzha Akel
Asma : Sara Betioui
La Logeuse : Rehimo Aich
Le chauffeur de taxi : Anas Lyazami
Mjido : Mouhcine Hagouch
Jawad : Abdehai Mtirka
Le chauffeur du bus : Ahmed Akrikez
Image : Eric Devin
Montage : Tina Baz
Son : Philippe Lecoeur / Myriam René
Musique : Wilkimix (Wilfried Blanchart)
Distributeur : Epicentre Films

 

 


Cannes 2011-" Sur la planche " par rfi

 

«Mieux vaut être debout, tenu par son mensonge, qu’allongé, écrasé par la vérité des autres. Je ne vole pas, je me rembourse. Je ne cambriole pas, je récupère. Je ne trafique pas, je commerce. Je ne me prostitue pas, je m’invite. Je ne mens pas. Je suis déjà ce que je serai. Je suis juste en avance sur la vérité : la mienne !» 

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  Quinzaine des Réalisateurs Festival de Cannes 2011
- Sélection Officielle Paris Cinéma 2011 - Mention Spéciale du Jury
- Festival Taormina Italie - Golden Tauro du Meilleur Film, Meilleure réalisatrice,
Prix d’interprétations féminines
- Festival international d’Abu Dhabi 2011 - Mention spéciale du Jury
- Festival de Tübingen & Stuttgart 2011 - Prix de la Critique
- Festival Antalya 2011 - Meilleur film
- IFF Oslo 2011 - Prix FIPRESCI
- Festival Arte Mare de Bastia 2011 - Grand Prix, Prix du Jury, Prix des Jeunes,
Prix de la meilleure bande son
- FIFI Bruxelles 2011 - Prix spécial du Jury, Prix de la meilleure actrice (Soufia Issami)
- UIFF Popoli e Religioni 2011 - Mention spéciale du Jury

 


PRESSE


"Radical, décomplexé et d'une rare intensité politique" - CAHIERS DU CINÉMA   

"Formidable" - L’HUMANITÉ  

"Un film intelligent et fascinant" - SCREEN  

"Un film à l'énergie brute (...) Essentiel !" - STUDIO CINÉ LIVE  

"Une fascinante météorite cinématographique" - POSITIF

  "Un film entêtant, qui révèle une cinéaste de tempérament " - TÉLÉRAMA  

"Un uppercut par phrase (...) c’est le film dont on rêve (...) Pur bloc de nerfs et d’intelligence" - LIBÉRATION

"Un flow d’enfer qui électrise le spectateur (...) Un film à la fois galvanisant et tragique" - LES INROCKUPTIBLES

"Son constat abrupt fait mouche et fait mal" - PREMIÈRE  

"L’hymne de libération du quart-monde" - LE MONDE   

   "Un film intelligent et fascinant" - SCREEN

"Une première fiction lumineuse" - LE PARISIEN.FR  

"Un film punk quasi surréaliste. Une bombe" - TRANSFUGE


CAHIERS DU CINEMA,  de Vincent Malausa

Leïla Kilani fonce tête baissée dans une sorte de chaos vital d'où peu de films reviendraient indemnes. Que "Sur la planche" produise un geste d'un tel éclat et d'une telle radicalité à l'heure des grands changements que l'on sait en fait assurément un des films-étalons – au sens le plus sauvage du terme – du jeune cinéma arabe.


Tag(s) : #écrans
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