No place to hide.

Nulle part où se cacher.

 

Un titre accrocheur, qui inquiète un peu. Comme un titre de thriller. Une phrase issue d'une citation du sénateur Frank Church, président de la Commission sénatoriale d'Examen des opérations gouvernementales relatives aux activités de renseignement, en 1975.

 

En effet ce n'est pas d'aujourd'hui que les services de renseignement des États-Unis tissent leur toile sur le monde au détriment de nos libertés individuelles. Déjà en 2000, Duncan Campbell nous avertissait sur Echelon, lors de son rapport rédigé pour le Parlement européen "Surveillance électronique planétaire" aux éditions Allia.

 

En vain.

 

Quelques élus européens brassèrent de l'air... et tout continua comme d'habitude.

 

Près de quinze ans plus tard, les progrès de la haute technologie permirent aux agences américaines, FBI, CIA, NSA and co de perfectionner et généraliser la surveillance de masse, sur leurs propres citoyens et sur les citoyens du monde entier, y compris ceux des alliés des États-Unis ! Sous couvert de lutte anti-terroriste après le 11 septembre, le gouvernement américain n'hésita pas à s'affranchir de la légalité afin de systématiser la surveillance de masse, souvent avec une forte complicité des médias internationaux.

 

Puis, en 2013, surgit Edward Snowden, informaticien travaillant pour la National Security Agency (NSA). Avec un incroyable courage et une réflexion pertinente, il rompit le silence permettant au monde entier de prendre conscience des périls que la NSA nous faisait courir. Tout en sachant que, dorénavant, sa vie ne serait plus la même et qu'il devrait passer par la case clandestinité, exil, et peut-être prison à perpétuité, comme un autre lanceur d'alerte, Chelsea (ex-Bradley) Manning. En possession de milliers de fichiers, Snowden devait trouver un vecteur afin de faire publier ses informations. Ce fut le duo Glenn Greenwald, journaliste-blogueur du quotidien britannique The Guardian, et Laura Poitras, documentariste américaine.

 

C'est donc cette histoire incroyable que nous propose dans sa version française les édtions JC Lattès, alors que la sortie mondiale se déroule dans vingt pays !

 

L'entreprise ne fut pas simple. Greenwald nous la restitue en cinq mouvements. D'abord le contact avec Snowden, puis la rencontre à Hong Kong durant dix jours, entre le lanceur d'alerte et le duo soutenu par le Guardian. Ensuite la substantifique moelle du livre, les pratiques de la NSA dont la philosophie est assez simple : Tout collecter (Même si cela se heurte encore à des limites technologiques). Avec la question qui découle : en quoi un état de surveillance comme celui qui s'installe, est-il nocif ? Enfin l'auteur, qui fut avocat examine la force du fameux quatrième pouvoir, celui des journalistes. Pour ceux qui ne collaborent pas, main dans la main, avec les pouvoirs en place, de Bush à Obama, pouvoirs basés sur le secret et le mensonge.

 

Certes il s'agit là de politique, de diplomatie et aussi de guerre économique. Mais ce qui est d'abord en cause, c'est nos libertés individuelles face à la venue silencieuse d'un Big brother planétaire. Le premier document de Snowden fut la collecte par la NSA des données téléphoniques de millions de clients de l'opérateur américain Verizon. Au fil des pages et des documents reproduits, le lecteur comprend que la NSA n'est pas seule dans ce scandale international. Les plus grandes entreprises du net collaborent avec "efficacité" à l'espionnage généralisé de nos vies privées. Enfin, se pose aussi, la neutralité du net, neutralité de plus en plus mise à mal.

 

Edward Snowden, comme Chelsea Manning et Julian Assange avec Wilileaks, font bouger les lignes dans le bon sens. Le Guardian US est devenu co-lauréat du prix Pulitzer 2014 pour avoir publié les révélations de Snowden rassemblés par Greenwald. Alors que ce livre indispensable vient de sortir, une pétition circule avec succès afin que la France offre le droit d'asile à Edgard Snowden, toujours bloqué en Russie. Julian Assange est toujours bloqué depuis deux ans dans l'amabassade de l'Équateur à Londres malgré les efforts de la député européenne Eva Joly. Les révélations ne sont pas encore achevées. La bataille contre Big brother n'est pas terminée, pas plus que la longue chasse à l'homme des services américains, mais Greenwald vient d'en écrire une belle page. Protéger les lanceurs d'alerte est un enjeu considérable pour notre futur. Lire ce livre est donc essentiel pour eux et pour nous.

 

Dan29000

 

Nulle part où se cacher

Glenn Greenwald

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedj

Éditions JC Lattès

2014 / 360 p / 20 euros

 

 

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